L’approvisionnement des centres-villes est essentiel pour répondre aux besoins de leurs habitants mais aussi pour stimuler leur vitalité économique, alors que la désertification des centres-villes est une problématique faisant régulièrement l’actualité. La croissance du e-commerce génère toujours plus de flux de livraisons à domicile, qu’ils soient conventionnels (par des spécialistes de la livraison du dernier kilomètre) ou – de plus en plus – informels dans un contexte déréglementé (par des particuliers indépendants, notamment pour la livraison de repas).

La règlementation est alors un levier d’insertion optimisée des livraisons du dernier kilomètre dans les centres-villes.

Les livraisons du dernier kilomètre : une activité qui s’insère dans le cadre urbain particulier des centres-villes 

Les centres-villes apparaissent comme des espaces urbains plus contraints que d’autres pour les flux de livraisons du dernier kilomètre. Ils concentrent historiquement les activités économiques et commerciales, à l’origine d’une importante densité, alors que leur tissu urbain, (re)construit sur plusieurs époques, peut être étroit et sinueux (en particulier celui des centres-villes médiévaux).

Cette configuration accentue les tensions sur le partage de la voirie, lesquelles sont exacerbées en heures de pointe ou lors de périodes de forte affluence, notamment la saison touristique qui affecte les centres-villes en raison de leur intérêt patrimonial.

Malgré quelques initiatives de transition modale, les livraisons du dernier kilomètre sont majoritairement effectuées par mode routier dans le cadre de tournées massifiées. Au Mans, les VUL (<3,5T), les porteurs et les articulés assurent respectivement 66%, 21% et 9% des livraisons quotidiennes.

D’autre part, celles-ci se heurtent à des dynamiques de transformation urbaine (ou « pacification ») des centres-villes favorables à d’autres usages que les livraisons par mode routier : piétonnisation et végétalisation ; réseaux de pistes cyclables et/ou de transport en commun en site (semi-)propre (bus à haut niveau de service, tramway).

Cette insertion produit de multiples effets, à la fois pour la fluidité de la circulation et pour l’environnement.

La règlementation comme un outil d’apaisement des centres-villes par une meilleure insertion des livraisons du dernier kilomètre.

La règlementation au niveau local des livraisons du dernier kilomètre est un instrument efficace à la disposition des collectivités territoriales pour apaiser les centres-villes.

A minima, il s’agit de règlementer les conditions de circulation et d’accès dans les centres-villes des véhicules de livraison. Cela peut passer par la définition de créneaux horaires avancés dans les zones piétonnes et touristiques. C’est par exemple le cas dans les centres-villes de Sète ou d’Evian-les-Bains, où les livraisons sont autorisées jusqu’à 9h30.

De façon plus coercitive, certaines collectivités ont fait le choix d’exclure des catégories de véhicules inadaptés à la configuration des centres-villes, selon des critères de tonnage, comme à Cassis, où seuls les véhicules de livraison de <3,5T sont autorisés à accéder aux quais du port en raison de la fragilité de la voirie ; ou de motorisation, comme dans les zones à faibles émissions (ZFE) où les véhicules de livraisons considérés comme polluants en sont exclus.

Selon une approche plus incitative, d’autres collectivités cherchent à encourager la transition modale et énergétique des livraisons du dernier kilomètre dans les centres-villes. Dans le cas de restriction ou d’interdiction de circulation pour les véhicules de livraisons, des dérogations peuvent être explicitement accordées aux vélo-cargos (mode doux), ou aux véhicules de livraisons électriques (décarbonés). Depuis 2021, l’accès au centre-ville de Nantes est autorisé de 4h00 à 11h30 pour véhicules de livraisons, mais jusqu’à 23h00 si ceux-ci fonctionnent aux énergies alternatives (gaz naturel, hydrogène, électricité).

Il est enfin possible de faciliter les livraisons du dernier kilomètre de façon indirecte, en règlementant la circulation des autres véhicules. Les zones à trafic limité (ZTL), comme celle en vigueur à Paris Centre, interdisent les circulations de transit en véhicule motorisé, à l’exception notable des véhicules de livraisons. Leurs opérations sont ainsi facilitées par l’amoindrissement du trafic routier et la décongestion de la voirie.

Les collectivités disposent ainsi d’un ensemble de leviers permettant de concilier apaisement du centre-ville et intégration des livraisons du dernier kilomètre, afin de favoriser certaines solutions et répondre aux attentes des commerçants. La réglementation, sujet souvent sensible, nécessite une démarche menée de manière concertée avec l’ensemble des acteurs concernés par les livraisons du dernier kilomètre (livreurs, transporteurs, artisans, commerçants, habitants). L’enjeu est de justifier l’application de la règlementation, de l’adapter aux réalités opérationnelles du secteur et de proposer des alternatives permettant s’y conformer.