La procédure du respect de la chaine du froid semble bien rôdée à la pharmacie pour garantir l’intégrité des médicaments thermosensibles sur le dernier kilomètre. La mise en place des bonnes pratiques, associées au bon sens du pharmacien, permet de prendre les bonnes décisions, de la réception jusqu’à la dispensation au comptoir auprès du patient.
Le code de la santé publique demande de garantir la conservation des produits de santé thermosensibles par chaque maillon de la chaine. Cela concerne donc les fabricants, les grossistes répartiteurs et les pharmaciens d’officine. Il appartient ensuite à chacun de prouver la bonne conservation du produit.
A l’officine, la quasi-totalité des vaccins et des insulines nécessitent aujourd’hui d’être conservés au froid (entre 2°C et 8°C). Les immunosuppresseurs, certains médicaments de la DMLA, les gammaglobulines, les immunoglobulines également. Et demain de plus en plus d’anticancéreux… Ces conditions de conservation sont d’autant plus à respecter qu’au-delà du risque de dénaturation de ce type de produits, leur coût élevé invite à la prudence.
Première étape : la priorité à réception
Le contrôle du pharmacien commence au moment où les produits arrivent à l’officine. Les médicaments thermosensibles sont livrés soit par caisses isothermes dotées de plaque eutectique par les grossistes-répartiteurs, soit par cartons transportés sous température dirigée en direct par les laboratoires. « La personne formée pour réceptionner les colis froid s’en occupe en priorité, note Pierre-Olivier Variot, titulaire d’officine et vice-président de l’USPO*. Elle vérifie l’intégrité des caisses isothermes et que la plaque eutectique est toujours froide à l’intérieur. » Un thermomètre laser permet de prendre la température à l’intérieur des caisses en cas de doute.
La démarche est la même pour les cartons en provenance des laboratoires, si ce n’est que certains ajoutent un thermomètre électronique à leurs colis. Un voyant ou un témoin indique qu’il n’y a pas eu de rupture de la chaine du froid pendant le transport. Une voie d’amélioration serait, pour Pierre-Olivier Variot, d’avoir « une pastille de couleur sur chaque médicament pour effectuer une vérification visuelle plus facile et rapide à réception ».
Avant leur rangement au froid, le pharmacien scanne les produits thermosensibles pour les enregistrer dans leur logiciel officinal, en reportant la date, l’heure et le nom de la personne qui les a réceptionnés. La liste des produits thermosensibles mise à jour est affichée dans l’officine à proximité du réfrigérateur.
Seconde étape : le stockage dans une enceinte thermostatique qualifiée
Du point de vue matériel, les équipements sont devenus très performants à la pharmacie. Le stockage des produits thermosensibles s’effectue dans une enceinte thermostatique qualifiée entre +2°C et +8°C. La température est surveillée en permanence aux points le plus chaud et le plus froid. « En pratique, à chaque délivrance, nous pointons visuellement les températures et faisons aussi confiance à l’enregistreur qui assure, lui, un suivi continu, » note-t-il. Une fois par semaine, le pharmacien va éditer la courbe de température, et s’assurer que les températures sont conformes aux limites fixées.
En cas d’alarme, le pharmacien doit s’assurer que la rupture de chaine du froid n’a pas altéré ses produits. Pour cela, il est nécessaire de contacter le fabricant et de gérer le cas par cas, en particulier pour les nouveaux produits n’ayant pas encore de procédures « type ». Les dégradations potentielles n’étant pas détectables visuellement. En attendant la réponse du fabricant, les produits sont conservés dans un endroit à part, clairement identifiée « à ne pas délivrer ».
Troisième étape : la délivrance au patient
Lors de la dispensation, le pharmacien met le produit thermosensible dans une pochette isotherme, protégeant aussi bien du chaud que du froid, avant de le remettre au patient en lui rappelant quelques gestes simples pour ne pas interrompre la chaine du froid : rentrer directement chez soi après avoir quitté la pharmacie, bien régler la température de son réfrigérateur, et ne jamais stocker les médicaments dans la porte, contre la paroi ou dans le congélateur. « Pour certains médicaments dispensés en volume, comme les traitements de fond par l’interféron bêta (Bétaféron) pour le traitement de la sclérose en plaques, il nous arrive de prêter une caisse isotherme à nos patients qui nous la rapportent ensuite à l’officine, » note-t-il.
« L’objectif, c’est surtout de se donner les moyens, en toute responsabilité, de travailler proprement et dans le respect des caractéristiques physico-chimiques des produits. C’est au quotidien qu’il convient d’être rigoureux », conclut Pierre-Olivier Variot.
Les pharmacies sont régulièrement inspectées par leurs ARS régionales sur leurs procédures d’assurance qualité et de respect de la chaîne du froid, jusque sur le dernier kilomètre. Le cadre normatif est fourni par les bonnes pratiques édictées par le Conseil National de l’Ordre en 2007 et 2009. « Les recommandations de gestion de produits de santé soumis à la chaîne du froid entre +2°C et +8°C à l’officine » sont disponibles auprès de l’Ordre des pharmaciens.
* L’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO) représente près de la moitié des officines françaises.