Le 16 avril dernier, à Rennes, près de 300 livreurs des plateformes Uber Eats et Deliveroo cessaient leur activité, revendiquant une revalorisation de leur rémunération par commande. En mars, une grève se tenait à Toulouse et fin 2020, un mouvement avait également eu lieu à Saint-Etienne. Face à ces revendications, point sur les avancées sociales pour les chauffeurs/livreurs.
Travail précaire, recours à des travailleurs sans papiers sous louant des comptes, concurrence déloyale, non soumission à la convention du transport… Les dommages causés par le développement des plateformes d’intermédiation numériques et plus particulièrement celles de livraison sont nombreux. Et malgré la volonté de l’État d’agir, le chemin de la régulation est encore long.
Plateforme de livraison : des conditions de travail dégradées ?
Une charte de responsabilité sociale, un rapport pour « réguler les plateformes numériques de travail » et la création de l’ARPE, établissement public chargé lui aussi de réguler les relations sociales entre plateformes et travailleurs indépendants. Depuis 2020, l’État prend des mesures pour encadrer les activités des plateformes d’intermédiation numériques. Et si certaines tentent de se racheter une image à grands coups de CDI ou de création de fonds à attribuer aux travailleurs, il n’en reste pas moins que pour tous les autres autoentrepreneurs, travailleurs payés au forfait à la livraison, le quotidien reste le même, voire pire. La hausse du nombre de livreurs, la baisse des tarifs proposés par les applications et des zones de livraison de plus en plus larges concourent à paupériser encore davantage leur activité.
Conséquence ? Selon une enquête réalisée par France Info publiée le 26 avril dernier, « sur un millier de livraisons analysées à Paris et en proche banlieue, 81% d’entre elles étaient effectuées avec un scooter thermique. Dans le détail, ce chiffre baisse légèrement dans le centre de Paris (66% de scooters) et explose près des « dark kitchen » de Deliveroo, ces cuisines installées dans des hangars de banlieue et dédiées uniquement à la livraison. Là-bas, la proportion de scooters thermiques frôle les 100%. » Certains utiliseraient même leurs voitures… Des évolutions suscitant des nuisances urbaines mais posant également des questions réglementaires au travers de la question de l’obtention de l’attestation de capacité transport léger de marchandises (moins de 3,5t) pour l’utilisation de scooters. Une attestation qui nécessite le passage d’un examen ainsi qu’une formation dédiée. Ce flou autour des moyens de transport utilisés par les livreurs provoque ainsi concurrence perçue comme déloyale par les transporteurs du secteur.
Lutter contre l’exercice illégal de la profession de transporteur routier
Pour encadrer ces situations, une ordonnance a été prise le 21 avril dernier en application de loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, pour « lutter contre l’exercice illégal de la profession de transporteur routier et prévenir le développement de toute concurrence déloyale en ligne. Il oblige les opérateurs des plateformes à vérifier que les acteurs proposant un service de transport auxquels ils font appel respectent la réglementation des transports, notamment les règles d’accès à la profession ». Ces dernières s’appliqueront le 1er janvier 2022, et au plus tard le 1er juin 2023.
Le transport est un métier
Dans son édito du 29 avril 2021, Florence Berthelot, déléguée générale de la FNTR s’exprimait ainsi sur le sujet : « Depuis longtemps, la profession a souligné que, quel que soit le mode utilisé, tout cela était du transport et que cela supposait une réglementation adaptée. Non seulement pour une concurrence vis-à-vis d’entreprises qui faisaient du transport comme M. Jourdain faisait de la prose, mais aussi dans une approche sociale pour les personnes qui font le job. Les partenaires sociaux de la branche transport se sont emparés du sujet depuis des années, en prévoyant formations et quelques normes. Mais dans la « start-up nation », plutôt que de s’appuyer sur l’existant (notamment rattacher les opérateurs soit au statut de commissionnaire, soit au statut de transporteur et appliquer la convention collective), on a préféré créer encore un statut intermédiaire. Et plutôt que de considérer les livreurs comme des salariés, on a préféré aussi les laisser comme pseudo entrepreneurs avec la possibilité néanmoins, à compter de 2022, d’élire des représentants syndicaux. »
Elle conclut son texte par une phrase simple, mais qui prend ici tout son sens : « Le transport c’est un métier ». Un métier qui se doit donc d’être reconnu, valorisé, encadré, règlementé et surtout décemment rémunéré.
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