Les obligations légales sur la collecte des biodéchets nécessitent la création de nouvelles chaînes logistiques. Quelles sont ces contraintes réglementaires et comment mettre en œuvre des solutions de transport de proximité décarbonées ?

Depuis le 1er janvier 2024, pour donner suite à la loi AGEC[1], le tri des biodéchets est généralisé, tant pour les professionnels que pour les particuliers. Cette obligation prévue dans la loi comportait des seuils de mise en œuvre. Au 1er janvier 2023, l’obligation de tri concernait les professionnels produisant plus de 5 tonnes par an de biodéchets. La suppression de ce seuil en 2024 impose le tri et la collecte pour tous les producteurs de déchets, sans minimum.

Ces évolutions réglementaires, même si elles nécessitent un effort de la part des professionnels ou des particuliers, sont déjà en place depuis une dizaine d’années dans de nombreux pays européens. 

Selon l’ADEME, le volume annuel de déchets organiques en France est estimé à 46 millions de tonnes. Les efforts pour réduire ce volume ne manquent pas, notamment au travers d’actions visant à limiter le gaspillage alimentaire. Toutefois, ces volumes considérables constituent aussi une ressource, dans une logique d’économie circulaire et résiliente.

Les biodéchets sont issus de deux catégories : les déchets verts (en provenance des jardins et espaces verts) et les déchets alimentaires (restes de repas, produits alimentaires périmés, restes de découpe, épluchures). La valorisation organique de ces déchets se traduit par le compostage ou la méthanisation. Le compostage permet d’enrichir les terres agricoles par épandage et de réduire le besoin en engrais. La méthanisation a un autre objectif, celui de produire du biogaz, réinjecté dans le réseau de distribution. Le résidu de méthanisation, le digestat, est utilisé comme fertilisant.

Comment organiser la collecte ?

Dans la pratique, cette obligation légale se traduit par des bacs et des conteneurs, à destination des particuliers et des professionnels. Elle nécessite des collectes, nécessairement fréquentes, dans les lieux de production de ces biodéchets, notamment la restauration privée et collective.

D’un point de vue logistique, l’application de ces réglementations impose la mise en place de chaînes logistiques nouvelles, comprenant une collecte régulière et un acheminement vers les lieux de valorisation. Si la collecte chez les particuliers, dans des bacs individuels ou à des points d’apport volontaire[2], est organisée par la collectivité, ce n’est pas toujours le cas des professionnels qui doivent alors contracter avec un organisme spécialisé.

Ainsi, le réseau national Les Alchimistes, déjà présent dans une dizaine d’agglomérations, fabrique et vend du compost réalisé à partir de biodéchets collectés.

Quels moyens de collecte ? Quels sites de valorisation ?

Les moyens de transport sont adaptés au volume collecté. Chez les restaurateurs de centre-ville, cette collecte peut assez facilement s’effectuer en vélo cargo. Certains fabricants de matériel proposent des remorques de cyclo logistique adaptées pour recevoir des bacs de collecte de biodéchets. Ces bacs sont alors acheminés vers un espace de logistique urbaine, qui sert pour la livraison du dernier kilomètre. Les bacs sont par la suite acheminés, de façon consolidée, vers un centre de valorisation.

Il est toutefois difficile de dédier à cette activité du foncier dans les cœurs de ville pour plusieurs raisons. D’une part, cette activité est consommatrice de surface. Le site de compostage des Alchimistes à Nantes occupe 500m². Il faut en effet prévoir 4 mois de maturation pour chaque « tas » de biodéchets afin qu’ils se transforment en bon compost. D’autre part, cette activité génère des nuisances olfactives dues aux effluves d’ammoniac.  Par conséquent, le compostage in situ tend à s’éloigner des centres urbains. Cela entraîne une augmentation des distances de transport. L’utilisation de véhicules de collecte, de préférence fonctionnant à des énergies alternatives au diesel, est donc privilégiée pour acheminer les biodéchets vers les sites de valorisation.

Les centres de biométhanisation, généralement implantés en zone rurale, se développent rapidement. Certains projets sont toutefois situés à proximité des secteurs générateurs de biodéchets. A titre d’exemple, en 2025, un centre de biométhanisation d’une capacité de 50 000 t par an sera mis en service à Gennevilliers. A Marseille, les Terrasses du Port ont inauguré fin 2023 un micro-méthaniseur capable de traiter 500 tonnes de déchets organiques par an. Ainsi, les biodéchets seront collectés deux fois par jour auprès des restaurateurs du centre commercial dans une « biodéchets mobile », c’est-à-dire un dispositif roulant pouvant être acheminé par ascenseur jusqu’au toit. Un filtre a été apposé afin de maitriser les odeurs[3]. Développée par BioBeeBox, cette solution permet de réduire les flux retour de la logistique urbaine.

Si la livraison du dernier kilomètre doit respecter des contraintes d’horaire et de délai très strictes, la collecte de biodéchets peut s’organiser de façon plus souple, permettant ainsi aux opérateurs du dernier kilomètre de mieux optimiser l’utilisation des moyens en place. 

Le meilleur déchet est celui qui n’existe pas, mais la suppression totale des biodéchets est illusoire. Leur valorisation, sous la forme de compost ou de biométhane, apporte une réponse en cohérence avec des objectifs environnementaux. Mais la pertinence environnementale du modèle est fortement dépendante du transport de collecte, qui doit être effectué de façon décarbonée. Les initiatives ne manquent pas et ce secteur en émergence constitue un complément à la livraison du dernier kilomètre.


[1] Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020

[2] Conteneur situé dans un rayon de proximité des habitats permettant la dépose des déchets

[3] https://madeinmarseille.net/149399-a-marseille-le-micro-methaniseur-est-une-premiere-mondiale-traiter-dechets/