L’espace public est soumis à de multiples pressions pour accueillir les nouvelles mobilités. Pourtant il est indispensable aux activités de livraison du dernier kilomètre. La solution pourrait passer par un meilleur partage et une gestion dynamique et digitale de ces espaces…

Les véhicules utilitaires utilisent l’espace public pour circuler, mais aussi pour stationner durant les opérations de livraison. Ils assurent une fonction indispensable à la vie des habitants. Sans eux, les commerces, hôpitaux ou pharmacies ne sont pas approvisionnés. Sans les véhicules de livraison, les colis ne sont pas distribués aux particuliers.

Pourtant, les livraisons du dernier kilomètres’effectuent dans des conditions souvent difficiles. L’espace public est de plus en plus contraint du fait des choix de réorganisation de la voirie pour l’accueil des mobilités douces. Les transporteurs voient alors leur productivité se réduire. Ils participent à la congestion urbaine mais la subissent aussi quotidiennement.

Le stationnement est réalisé sur les places prévues, mais parfois en double-file. En effet, les emplacements de stationnement livraison sont souvent occupés, de façon licite ou illicite. Ils n’ont pas toujours été prévus près des points de destination, notamment pour la livraison des particuliers. Pour les livraisons sous température dirigée, il est essentiel de décharger les marchandises au plus près du point de livraison. Le livreur n’a pas toujours le choix et doit privilégier l’efficacité et l’intégrité des produits livrés.

Pourtant, les métropoles françaises disposent d’un taux de voirie publique (voirie, trottoir, stationnement) de 15 à 25% de l’espace total, bien supérieur au taux constaté dans les métropoles asiatiques. Cet espace public est utilisé pour de multiples usages : stationnement des véhicules, terrasses de café, mobilier urbain, circulation différenciée par mode de transport…

Mieux réguler les usages en fonction des horaires

Pour mieux utiliser cet espace public, accueillir les différents usages, notamment le vélo et éviter de réduire la productivité des livraisons du dernier kilomètre, la solution consiste à mieux le partager. Partager l’espace public ne signifie pas nécessairement créer des zones affectées à chaque usage en les délimitant par des obstacles physiques.

La récente Loi d’Orientation des Mobilités donne aux collectivités locales de nouveaux leviers pour mieux organiser cet espace contraint. L’article 16 accorde aux collectivités locales la possibilité de « réserver certaines voies ou certaines portions de voies communales, de façon temporaire ou permanente, à diverses catégories d’usagers, de véhicules ou à certaines modalités de transport ».

Les collectivités peuvent ainsi créer des voies dédiées aux covoiturage, mais aussi partager dans le temps les différentes voies. Ce partage dynamique de l’espace existe depuis de nombreuses années dans différentes villes européennes. A Barcelone, les 7 voies multi-usages permettent d’accueillir la circulation des véhicules de 8h à 10h et de 17h à 21h. Entre 10h et 17h, les véhicules de livraison peuvent stationner sur ces voies. La nuit, ces voies sont utilisées pour du stationnement résidentiel.

Si les voiries sont encore trop rarement partagées en France, les places de stationnement le sont plus souvent. Ainsi, à Paris, 70% des 9000 places de stationnement livraison sont partagées avec le stationnement résidentiel. Ces places sont réservées aux livraisons de 7h à 20h. Il s’agit là d’un bon exemple de partage permettant à la fois de réserver des espaces pour les opérations de livraisons du dernier kilomètreet de continuer à apporter un service aux riverains.

Et si l’espace public était digitalisé ?

Mais un bon partage passe nécessairement par des évolutions technologiques. Les bordures séparant les usages sont autant d’obstacles physiques mettant en danger les livreurs, qui évoluent sur cet espace public. Dans de nombreux pays, comme en Italie ou dans les pays scandinaves, l’usage de cet espace public, de plus en plus réglementé, est contrôlé par des caméras, lisant les plaques d’immatriculation des véhicules.

Les places de stationnement commencent à être équipées de capteurs, comme à Cannes, limitant l’utilisation illicite des places. Le disque horaire, qui permet de justifier d’une utilisation durant une durée limitée (souvent 30 minutes) est remplacé, dans les grandes villes espagnoles, par un disque numérique, plus fiable.

L’espace public est alors mieux partagé, mais aussi digitalisé afin d’en gérer son utilisation et les droits qui lui sont affectés. Ces multiples capteurs permettent aussi de collecter des informations, qui permettront de faire progresser les usages.

La livraison du dernier kilomètre, activité indispensable au fonctionnement de la ville, doit retrouver une efficacité par un meilleur partage des espaces. Modifier les pratiques nécessite aussi de faire évoluer les obstacles réglementaires, qui limitent souvent l’implantation de technologie sur l’espace public.