Les solutions sont nombreuses pour réduire le nombre de camions dans une agglomération. Elles peuvent passer par l’utilisation d’autres modes que la route : le fleuve, le transport ferroviaire, mais aussi le tramway ou des tunnels de livraison de colis. Ces solutions offrent des perspectives pour décarboner le dernier kilomètre.

Afin de désengorger les villes, une solution naturelle pour la logistique urbaine est d’acheminer les marchandises vers la zone dense urbaine par des moyens autres que la route. Les axes les plus congestionnés dans les agglomérations sont souvent les routes pénétrantes et les rocades. Cela a donc du sens d’acheminer les marchandises par des modes massifiés de l’extérieur de l’agglomération vers son cœur, puis de les redistribuer avec des véhicules adaptés au centre-ville.

L’utilisation du mode fluvial : un retour à l’histoire.

Les villes, ou la plupart d’entre elles, ont été construites autour des fleuves. C’est là une évidence souvent oubliée. Dans les villes françaises, contrairement aux pays du Nord, les fleuves et les canaux constituent des voies de transport trop peu utilisées.

Le mode fluvial est utilisé prioritairement pour des produits pondéreux. Ainsi, pour la construction du Village Olympique, 500 000 tonnes de déblais sont évacuées par la Seine. Une quinzaine de barges sont mobilisées depuis l’été 2020.

Mais le mode fluvial offre aussi des perspectives pour le transport de biens de consommation. Franprix l’utilise depuis 2012 afin d’acheminer quotidiennement au cœur de Paris 42 réduisant d’autant le nombre de véhicules Poids-Lourds.

D’autres technologies existent, comme celle de Fludis, qui a conçu un bateau-entrepôt sur lequel les tournées sont préparées. Les livraisons sont effectuées en vélocargos. Des solutions en ro-ro ont aussi été testées permettant d’acheminer sur une barge au cœur de Paris des véhicules chargés en amont.

Les opportunités pour développer ce mode de transport écologique, à Paris, mais aussi à Lyon, Strasbourg ou Nantes ne manquent pas et permettent de mettre œuvre des projets de logistique urbaine fluviale et de consolidation des flux.

Le ferroviaire : pourquoi est-ce si compliqué ?

Les trains de marchandises pour desservir les centres villes existent depuis l’origine du chemin de fer au 19ème siècle. Les réseaux desservent les centres-villes et les technologies, en conventionnel ou en transport combiné, existent depuis bien longtemps. La différence avec le fluvial, c’est que les réseaux sont souvent saturés et qu’une priorité est alors donnée au transport de passagers.

La part modale du ferroviaire s’est réduite dans tous les pays d’Europe et le retour en arrière s’avère compliqué. Si le ferroviaire a toute sa pertinence sur des trajets importants, au travers de solutions intermodales ou d’autoroutes ferroviaires, la desserte des territoires urbains sur des distances courtes reste à réinventer.

Le tramfret, une idée absurde ou une perspective d’avenir ?

Les métropoles européennes, et notamment françaises, se sont toutes équipées de réseaux de tramway, qui desservent souvent l’hypercentre, à l’exception de Paris. Les flux de livraison urbaine sont fragmentés, ce qui constitue un obstacle pour les moyens massifiés que sont le transport fluvial ou ferroviaire. Les capacités d’un tramway semblent plus adaptées à ces flux de logistique urbaine.

A Karlsruhe, en Allemagne, le projet de tram-fret regioKArgo démarrera d’ici 2022 et s’étendra sur 50 kilomètres entre les villes de Karlsruhe, Rastatt et Achern. Réunissant des transporteurs, opérateurs logistiques et instituts de recherche, l’objectif du projet est de réduire le trafic routier et les émissions de gaz à effets de serre. Le tram-fret opérera entre des centres de consolidation en périphérie ainsi que dans des « City hubs » implantés au cœur de chaque ville. Une solution à l’étude serait alors de modifier les voitures : elles seraient réservées aux passagers aux heures de pointe, et aménagées pour accueillir des passagers et des marchandises pendant les heures creuses. Après les réalisations des tramfret de Dresde et de Zürich, le tramfret de Karlsruhe, montrerait que l’adaptation de réseaux de transports de personnes au transport de marchandises est une réalité dans les grandes villes.

Si la solution était de creuser ?

C’est ce que propose le projet suisse Cargo Sous Terrain. Ce projet consiste à créer une infrastructure nouvelle entre les principales villes suisses notamment Genève, Lausanne, Berne, Bâle et Zürich. Cette infrastructure serait constituée d’un tunnel dans lequel circuleraient des conteneurs autonomes. Ces conteneurs remonteraient à la surface au cœur de chaque zone urbaine desservie et seraient repris par des véhicules électriques pour la livraison terminale. Un consortium réunit plus de 25 investisseurs, dont les groupes de distribution Coop et Migros. Le 28 octobre dernier, ce projet considérable vient d’être approuvé par le Conseil Fédéral Suisse et fera l’objet d’une loi spécifique débattue prochainement au Parlement. De nombreux projets existent dans le monde de transport souterrain de marchandises. Cargo Sous Terrain est sans aucun doute le plus avancé.

Pour décarboner la ville, il faudra adapter ou construire de nouvelles infrastructures. Un maillage d’espaces logistiques urbains permettra de réaliser une meilleure consolidation des flux en transférant ces flux massifiés vers des véhicules réalisant la livraison du dernier kilomètre.

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