Les livraisons instantanées fragmentent les flux et ne semblent pas indispensables pour tous les actes d’achat. Parfois nécessaires pour certaines activités professionnelles, des solutions comme les livraisons multi-quotidiennes permettent de répondre aux demandes urgentes en réduisant au maximum l’empreinte écologique.
Le rapport « Pour un développement durable du commerce en ligne » publié par le gouvernement en février dernier, abordé dans un précédent article, retient que le caractère vertueux du e-commerce ne peut s’avérer que sous plusieurs conditions. Entre autres, les livraisons ultra-rapides à domicile ne permettent pas une optimisation totale des véhicules. Ces pratiques augmentent le nombre de véhicules de livraison en zone urbaine et aggravent les émissions de gaz à effet de serre et de particules fines. Ainsi, une livraison en 1 heure est plus de 6 fois plus émissive en NOx qu’une livraison en 24 heures.
La livraison instantanée de colis est-elle donc une nécessité pour tous les actes d’achat en ligne ? Est-il possible de réduire l’impact écologique d’une logistique du dernier kilomètre en flux tendus ?
Quand la fiabilité dépasse la rapidité
La livraison à domicile reste le mode préféré des Français lors de leurs achats sur internet. Alors que les offres de livraison instantanée fleurissent, certaines promettant des livraisons en quelques minutes, il semble que ce ne soit pas un critère déterminant dans l’acte d’achat en ligne. Les consommateurs estiment en effet que le respect du délai de livraison est un critère très important, juste derrière son coût.[1] Le consommateur est alors plus attaché à un créneau de livraison annoncé préalablement et respecté que par une livraison et un délai très rapide, bien rarement nécessaire.
La logistique e-commerce doit donc déployer de nombreux outils permettant aux destinataires de suivre l’acheminement de leurs colis. L’information sur l’état de la livraison la plus précise possible auprès du consommateur constitue un vecteur de la satisfaction client. Les e-marchands peuvent proposer un créneau horaire de livraison et assurer un contact entre le transporteur et le destinataire. L’offre de services complémentaires est une autre garantie de la satisfaction de la prestation de livraison. Les commandes de produits alimentaires sont par exemple livrées à pied dans les étages d’immeubles. Les livreurs peuvent en profiter pour reprendre des bacs ou des contenants consignés. La livraison en bacs réduit les volumes de cartons et a des vertus environnementales. Mais c’est aussi un élément de la satisfaction du client, qui n’a pas à gérer des volumes importants d’emballages à jeter.
Au-delà de l’instantanéité des livraisons e-commerce B2C dont l’intérêt est bien rarement vérifié, certaines activités professionnelles nécessitent pourtant une grande réactivité des approvisionnements.
Consolider les flux malgré l’urgence
Les livraisons instantanées peuvent se justifier par exemple pour la livraison de repas préparés, le secteur médical, ainsi que pour les pièces détachées. Les activités des pharmacies et les garages sont soumis à des urgences souvent imprévisibles mais de façon répétitive et programmée. Le faible espace de stockage ou le souhait de réduire au maximum le coût de stockage, mais aussi le grand nombre de références induisent des flux d’approvisionnement tendus qui génèrent des livraisons multi-quotidiennes.
Nous sommes tous habitués depuis longtemps à commander un médicament le matin et en disposer l’après-midi, dans toutes les pharmacies. Pourtant, ces livraisons très rapides s’effectuent dans un schéma logistique consolidé malgré l’urgence.
Dans un autre domaine, les livraisons de pièces automobiles multi-quotidiennes sont réalisées entre les centres d’approvisionnement et les garagistes. Programmées sur des créneaux horaires bien définis, elles permettent de consolider les flux, bien qu’il s’agisse de livraisons urgentes. A cheval entre une activité de messagerie classique et une activité de coursier, les livraisons multi-quotidiennes permettent de livrer plusieurs pièces en un point. Les créneaux horaires permettent d’une part au garagiste d’informer le client final du moment où la pièce de rechange sera livrée et installée, et d’autre part de mieux programmer les réparations ainsi que la charge de travail du garage.
Quant à la logistique pharmaceutique, elle peut être soumise à des règles strictes par exemple sur le respect de la chaîne du froid. Les bacs standards en plastique utilisés pour le conditionnement des médicaments sont également récupérés par les chauffeurs livreurs à chaque livraison.
La diversité des produits livrés influence fortement la manière de livrer. L’aménagement urbain ainsi que la réglementation doivent donc s’adapter pour permettre aux transporteurs d’exercer leur métier dans de bonnes conditions et dans le respect des règles spécifiques à chaque secteur. La livraison urgente se justifie dans bien des domaines et doit alors être acceptée.
Les espaces logistiques en ville à adapter
En juin 2021, la Gatmarif a publié un livre blanc intitulé « Pour une logistique urbaine optimisée en Ile-de-France à l’horizon 2030 » qui propose 35 solutions concrètes provenant des transporteurs d’Ile-de-France. Le livre blanc mentionne que le type de marchandise livré fait qu’on ne transporte pas de la même façon, ni avec la même fréquence des meubles ou des produits de grande consommation, du vrac ou du frigorifique. Il s’ensuit le besoin d’un parc de véhicules aux tonnages variés, dotés d’équipements spécifiques, mais aussi des contraintes d’exploitation particulières pour les professionnels. » Les professionnels plaident pour que les mesures et les réglementations mises en place par les collectivités territoriales prennent en compte cette diversité. Le transport urgent en fait partie.
De plus, favoriser l’utilisation des aires de stationnement à l’usage professionnel permet d’améliorer la sécurité des livreurs, de réduire leur stress et le risque de stationnement en double file.
Souvent nécessaire, la logistique du dernier kilomètre urgente doit être considérée dans les évolutions des réglementations et des infrastructures. Cette intégration en amont contribuera à l’apaisement des centres urbains et à la réduction des émissions de polluants locaux.
[1] Source : étude ParcelLab – février 2021
