Depuis quelques années, nous assistons à une augmentation constante du nombre de livraisons e-commerce avec une croissance de plus de 70% sur la période 2012-2017. Ce volume représenterait actuellement plus de 500 millions de colis et devrait doubler d’ici 2025. Ces flux de colis ajoutés aux exigences de consommation toujours plus pointues complexifient grandement la gestion opérationnelle des livraisons du dernier kilomètre.

Comment sera la ville de demain avec la montée en puissance de ces flux ? Comment livrer le plus efficacement dans des centres-villes qui imposent de plus en plus de contraintes et se ferment peu à peu ? Il est urgent d’adapter les livraisons et d’initier un modèle plus vertueux notamment sur le plan environnemental avec des livraisons propres.

Il faut trouver un équilibre pour que les livraisons du dernier kilomètre deviennent un nouveau modèle écologique et acceptable socialement

2 tendances de fond du secteur de la livraison du dernier kilomètre ont émergé :

1- L’atomisation des flux

Les nouveaux usages de consommation individuelle et l’accélération de la digitalisation des processus d’achat e-commerce génèrent une hyper fragmentation des flux.

Ces livraisons à destination des particuliers ne permettent que peu de massification et génèrent des flux unitaires ultra-rapides, souvent mal optimisés. La conséquence environnementale est directe : l’empreinte carbone est impactée fortement par ces livraisons réalisées majoritairement en véhicules thermiques. Pour rappel, un rapport édité il y a quelques années estimait que le transport de marchandises occupait jusqu’à 30% de la voirie en centre-ville et était à l’origine de 70% des particules et de plus de 25% des émissions de gaz à effet de serre émis.

2- L’instantanéité de la livraison

La course contre le temps est engagée avec les livraisons « on-demand » qu’elles soient sur créneaux horaires ou avec une mise à disposition en quelques heures voire en quelques minutes. Les sociétés de transport, les sous-traitants et tout l’écosystème de la distribution sont de plus en plus sous pression. Les rythmes imposés à la fois par la réduction des délais, et le respect des créneaux toujours plus affinés, peuvent avoir pour conséquence de dégrader les conditions de travail et contribuer à la congestion des villes et à l’augmentation de l’accidentologie.

Ces tendances peuvent apparaître comme contradictoires au regard des objectifs de la logistique urbaine écoresponsable ; mais les intentions affichées restent bien de mieux consolider les flux et de réduire l’impact environnemental.  En parallèle, les politiques publiques travaillent à mieux réguler les flux de marchandise et s’attaquent à toutes les formes d’externalités négatives – Réduction de l’impact environnemental, de la saturation urbaine, de la pollution, du bruit et de l’accidentologie-.

Il faut trouver un équilibre pour que les livraisons du dernier kilomètre deviennent un nouveau modèle écologique et acceptable socialement.

Le 1er facteur d’équilibre sera le modèle économique. On assiste à une standardisation de la livraison express et instantanée. Livrer immédiatement ou rapidement à faible prix une commande unitaire posera nécessairement des problèmes de viabilité économique, sauf à faire du livreur une variable d’ajustement : un livreur précarisé et payé à la tâche pour soutenir des prix de production tirés vers le bas.

Le 2ème facteur sera réglementaire. Le législateur n’acceptera pas de façon indéfinie que la ville devienne le terrain de jeu de modèles sociaux dégradés et accidentogènes ou polluants.

Enfin, le 3ème facteur sera environnemental par la mise en place de livraisons propres pour lutter contre la pollution et pour fluidifier les mouvements dans les centres-villes. Pour contribuer à la production de ce service, il existe deux modèles de consolidation : le premier avec la création de mini-hubs de distribution urbains pour alimenter des tournées sur une zone de chalandise délimitée, et le second avec le développement de points relais par opposition à la livraison à domicile. Intérêt majeur de ces deux orientations : se concentrer sur des points d’entrée de zones de distribution pour massifier les unités à mettre en livraison. Ces modèles d’organisation sont d’ailleurs une partie de la réponse du secteur du retail à celui des pure players du e-commerce avec le ship-from-store. La logique de mini-hub de distribution permet d’appliquer un modèle de dernier kilomètre plus écoresponsable par l’utilisation de moyens doux, à pied, à deux trois ou quatre roues ; et pourquoi pas dans un futur proche, compter sur des véhicules autonomes électriques ou des drones terrestres de livraison. En se rapprochant des consommateurs on réduit les distances et on permet des livraisons propres et plus vertueuses.

En conclusion, c’est donc bien la combinaison de ces 3 facteurs qui doit à terme être prise en compte pour une livraison du dernier kilomètre maîtrisée et écoresponsable. Mais attention, cela ne pourra fonctionner que si le client (destinataire) lui-même devient acteur de sa consommation ; qu’il prend en compte la dimension environnementale de ses choix et de ses impacts. « Instantanéité de la livraison » et « Livraison propre » ne seront pas nécessairement opposées mais cette prise de conscience devra passer inévitablement par une meilleure pédagogie de l’offre de la part des enseignes et autres acteurs du transport.