Le 28 novembre dernier, la Cour de cassation requalifiait le statut d’un livreur à vélo, d’autoentrepreneur à salarié. Derrière cette décision, d’autres bouleversements pourraient intervenir mettant un coup de projecteur sur l’ubérisation de la livraison du dernier kilomètre et les différences entre transporteurs historiques et plateformes numériques.

Vers une remise en cause d’une partie du modèle économique des plateformes numériques de livraison du dernier kilomètre en France ?

L’arrêt rendu marque une étape importante. Reconnaissant « un lien de subordination » entre un prestataire coursier à vélo et la société donneuse d’ordres, Take Eat Easy, la décision de la Cour de cassation pourrait à terme faire jurisprudence et remettre en cause une partie du modèle économique des plateformes numériques de livraison du dernier kilomètre en France. Car si leur développement est sans conteste, leur position sur le marché fait débat. Retour sur les points chauds qui divisent acteurs traditionnels de la livraison urbaine et plateformes digitales :

La question de la précarisation des emplois dans la livraison urbaine

A l’avenir, chauffeurs et livreurs au service des plateformes numériques du dernier kilomètre pourraient demander la requalification de leur statut, passant de prestataire indépendant au salarié. Une action à l’impact fort, tant pour le fonctionnement de ces nouveaux entrants sur le marché que pour les acteurs historiques du transport urbain. L’an passé, l’OTRE* alertait d’ailleurs sur le danger présumé du statut de travailleur indépendant et de l’absence de protection sociale « sérieuse » mettant « en péril » le statut des entreprises.

Une concurrence déloyale pour les transporteurs ?

En employant des indépendants, les plateformes s’exempteraient du coût de certaines charges et cotisations sociales, au contraire des entreprises de transport. Pour celles dont les activités s’apparentent aux commissionnaires de transport sans en être, elles échapperaient également aux obligations légales incombant au statut et bénéficient ainsi d’un cadre juridique plus souple. D’autres, spécialisées dans la livraison du dernier kilomètre, s’appuient sur des particuliers pour livrer en ville posant la question de l’obtention de l’attestation de capacité transport léger de marchandises (moins de 3,5t) pour ceux utilisant notamment des scooters. Une situation qui laisse apparaître des contentieux dans le secteur mais aussi et surtout une concurrence perçue comme déloyale par la plupart des transporteurs du secteur.

 Un impact sur les prix du dernier kilomètre

Cadre légal flou, contraintes sociales moindres, concurrence accrue… De par leurs pratiques, les plateformes numériques de livraison tirent les prix vers le bas. Fortement créatrice de valeurs pour les entreprises, la livraison urbaine se trouve aujourd’hui dévalorisée par un dumping à la fois économique et social. Enjeu de différenciation majeur auprès des consommateurs, une livraison du dernier kilomètre écologique, encadrée, responsable et efficace représente pourtant un coût qu’il convient d’intégrer et de respecter.

 Un cadre juridique à redéfinir pour le secteur de la livraison urbaine

Ainsi, si les règles applicables aux plateformes dans le transport de marchandises manquent de clarté, le constat est pourtant clair : le marché doit être régulé. Pour ce faire, outre une prise de conscience nécessaire, il conviendra aussi d’appréhender et fixer un cadre pour ces nouveaux acteurs de la livraison urbaine, équitable pour tout le secteur.

*Organisation des Transporteurs Routiers Européens