Afin d’accélérer la transition énergétique, le rétrofit électrique peut constituer un levier intéressant pour les acteurs de la logistique urbaine. Une récente étude de l’Ademe fait le point sur l’intérêt, tant écologique qu’économique, de cette filière selon les usages.
Démocratisé par un arrêté du 13 mars 2020 qui permet l’homologation en série de véhicules rétrofités, le rétrofit permet d’assurer la transformation d’un véhicule thermique en un véhicule électrique. L’opération consiste à convertir les véhicules thermiques en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible. Une récente étude de l’ADEME s’interroge sur l’intérêt de cette pratique encore peu répandue et compare les bénéfices environnementaux du rétrofit par rapport aux véhicules thermiques et à l’achat de véhicules électriques neufs.
Un levier de réduction d’émissions de polluants
L’étude de l’ADEME soutient que le rétrofit de véhicules thermiques en électrique est pertinent sur le plan environnemental. En effet, le réemploi du véhicule thermique permet d’économiser des matières premières utilisées pour la construction du véhicule. Le rétrofit est d’autant plus pertinent que le mix énergétique français est bas carbone (l’électricité produite est majoritairement d’origine nucléaire). Les émissions de gaz à effet de serre induites par l’usage de véhicules électriques sont donc très faibles. L’analyse environnementale concerne tant les émissions de gaz à effet de serre que la pollution de l’air.
Ainsi, le rétrofit s’inscrit parfaitement dans une démarche d’économie circulaire. En effet, même si le taux de recyclage des véhicules hors d’usage imposé par la législation est important (90%), la matière retraitée sera moins qualitative et nécessitera une consommation énergétique importante. En réemployant la carrosserie d’un véhicule, une opération de rétrofit retarde donc la mise à la casse et donne une seconde vie au véhicule.
Une solution pertinente pour les Véhicules Utilitaires ?
Selon l’étude de l’Ademe, le rétrofit de VUL, qui ont un usage intensif et une durée de vie courte, serait moins pertinent que le rétrofit de fourgons dits « spéciaux », c’est-à-dire aménagés par exemple pour une activité d’artisanat. Sur les territoires soumis aux ZFE (sujet abordé dans un précédent article), le rétrofit de ces véhicules peut donc être une solution économique acceptable pour continuer de circuler dans ces zones. En effet, l’étude montre que cette option est plus rentable en comparaison à l’acquisition d’un véhicule neuf pour les fourgons spéciaux.
Avec l’hypothèse de 5000km parcourus par an, l’analyse des émissions entre leur 10ème et 20ème année d’utilisation montre que le rétrofit d’un fourgon spécial thermique dès l’année 10 permet de réduire de 61% les émissions de GES par rapport à un fourgon diesel dont l’utilisation aurait été prolongée de 10 ans. Cette solution permet de réduire également les émissions de 56% par rapport à la mise à la casse d’un véhicule diesel après 10 ans d’utilisation puis l’achat d’un véhicule électrique neuf. De plus, dans un contexte où l’offre de véhicules électriques d’occasion est quasiment inexistante, et où l’offre de VUL électriques à grande capacité est limitée en choix et l’acquisition neuve onéreuse, le rétrofit électrique peut être une option intéressante pour les acteurs de la logistique urbaine.
Soutenir la filière du rétrofit
Le document pose la question du modèle économique du rétrofit. En effet, alors que les marchés des véhicules électriques neufs et d’occasion se consolident, le rétrofit électrique doit trouver son positionnement. Aujourd’hui, les coûts de développement et d’homologation de la filière constituent des freins à son développement. Une aide au rétrofit a été mise en place le 1er juin pour les véhicules ayant au minimum 5 ans d’ancienneté et 6000km au compteur. Elle s’élève à 5000€ pour un véhicule utilitaire.[1]
Afin de soutenir la filière, l’étude préconise aux collectivités qui mettent en œuvre des ZFE de déployer des aides à l’investissement dans des opérations de rétrofit. Il est également recommandé de « sensibiliser les villes et métropoles sur le caractère polluant de la catégorie des véhicules utilitaires urbains aménagés qui circulent régulièrement à froid[2]. » Par ailleurs, les commandes d’achat publics peuvent encourager les véhicules rétrofités, pour leurs propres flottes ou pour la mise à disposition de véhicules professionnels en location courte et longue durée.
Enfin, les activités de rétrofit sont créatrices d’emplois locaux et non délocalisables. Les véhicules électriques nécessitant moins de maintenance, les régions pourraient ainsi préserver les emplois de garagistes grâce à cette filière. Certains acteurs, comme REV MOBILITES, se sont emparés de ce créneau porteur en proposant du rétrofit électrique (hydrogène à l’étude) de voitures anciennes, de véhicules utilitaires ou de flottes. L’association AIRe réunit plusieurs acteurs de l’industrie du rétrofit électrique.
Comment aller plus loin ?
Il est possible d’aller encore plus loin dans cette démarche, grâce à la production de batteries en Europe. La production des batteries compterait en effet pour plus d’un quart de l’empreinte carbone des véhicules électriques les plus récents. Dans le cadre du Green Deal, la commission européenne souhaite encourager l’écoconception de batteries pour les véhicules électriques selon une approche normative. Il s’agit d’exiger la transparence sur des critères clés, comme l’empreinte carbone, la durée de vie ou le taux de matériaux recyclés utilisés. [3]
Dans un second temps, la commission pourrait introduire des « classes de performance », puis enfin imposer des seuils obligatoires.
En conclusion, la filière rétrofit est un levier qui peut être très intéressant sur le plan environnemental, mais ce gain varie fortement selon les usages. Ces opérations seraient ainsi plus pertinences pour la logistique urbaine des comptes propres (artisans, commerçants, véhicules spécifiques), et ainsi accompagner les acteurs économiques locaux dans les changements de réglementation des centres urbains. Le rétrofit est également une opportunité de transformer des VUL thermiques en électrique, dont l’offre est aujourd’hui très restreinte pour la logistique du dernier kilomètre.
[1] https://www.ecologie.gouv.fr/tout-savoir-sur-rétrofit-electrique
[2] Au démarrage des véhicules thermiques, les pots catalytiques sont « froids » et augmentent la consommation de carburant. Or les déplacements urbains sur de faibles distances laissent peu de temps au moteur de se réchauffer. L’ADEME estime une surconsommation en ville de 45% sur le premier kilomètre et de 25% sur le second. Source : https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/guide-pratique-mobilite-10-questions.pdf
[3] https://theconversation.com/batteries-vertes-un-avantage-competitif-pour-leurope-161385