Le développement de la logistique urbaine et du dernier kilomètre passe par une utilisation plus importante de véhicules électriques, notamment dans les centres villes. Si le marché de ces véhicules
est en croissance, celle-ci reste en dessous des ambitions publiques. Notre analyse…

En six ans, la part de marché des véhicules utilitaires légers (VUL) électriques est passée d’à peine 2% à 7%[1]. La motorisation électrique, qui était une rare solution choisie par quelques acteurs de la livraison du dernier kilomètre il y a 6 ans seulement, est maintenant une solution plus largement adoptée par les professionnels. Toutefois, cette part de marché reste faible par rapport à celle des véhicules particuliers, qui est de près de 18%[2]. Ainsi, un véhicule utilitaire sur 14 commercialisé en France est électrique alors que près d’une voiture particulière sur 5 est vendue avec cette motorisation.

Où en est l’offre de véhicules utilitaires électriques ? Pourquoi la part de marché n’augmente-t-elle pas plus vite, ceci malgré les aides et les mesures incitatives ?

L’offre est enfin là !

Pendant plusieurs années, l’offre de véhicules utilitaires électriques était limitée à quelques modèles qui concernaient surtout la gamme des petits utilitaires de 3 ou 4 m3. Tous les constructeurs proposent dorénavant une grande diversité de modèles. Les délais de livraison, qui constituaient un obstacle à l’achat ou la location d’un véhicule utilitaire électrique, sont devenus beaucoup plus acceptables depuis quelques mois.

Sans surprise, les groupes Stellantis et Renault se positionnent en tête des ventes, devant Ford, Volkswagen et Mercedes.

Ainsi, Peugeot, avec ses modèles e-Partner, e-Expert et e-Boxer, propose une gamme complète de véhicules de 3 m3 à 17 m3. La société Voltia propose aussi un modèle e-Expert transformé avec un volume de 11 m3.  L’e-Expert est proposé avec 2 batteries de 50 et 75 kWh. Dans cette dernière version, l’autonomie annoncée est alors de 350 km.

Mercedes et Ford proposent des offres attractives sur le plan des performances. Ainsi, le eSprinter est proposé avec 3 modèles de batteries jusqu’à 113 kWh correspondant à une autonomie annoncée de 478 km. L’autonomie, souvent considérée comme trop réduite pour les besoins de la logistique urbaine, constitue de moins en moins un obstacle.

Parmi les constructeurs indépendants, le succès de Goupil, qui cible notamment les flottes des collectivités locales, complète ce panorama. Cette société, située dans le Lot-et-Garonne, ambitionne de passer de 3500 à 5000 véhicules par an d’ici 2026.

L’Etat s’engage au travers d’un contrat stratégique

Le contrat stratégique de la filière automobile, signé le 6 mai 2024[3] entre les acteurs industriels et le gouvernement, vise à s’assurer que l’offre de véhicules électriques, notamment sur le segment des VUL, est bien présente pour permettre la réalisation des objectifs de neutralité carbone en 2050. Cet accord mentionne que l’objectif précédent, qui était de tripler les ventes de VUL électriques entre 2020 et 2022, n’a pas été atteint.[1] Il fixe à la filière un objectif très ambitieux pour les années à venir, celui de multiplier les ventes de VUL électriques par 6 d’ici 2027, afin de passer de 16 500 en 2022 à plus de 100 000 en 2027. Cet accord prévoit le maintien d’aides mais aussi le développement des infrastructures de recharge. L’installation de 25 000 points de recharge d’au moins 50kW d’ici fin 2027 est prévue sur tous les grands axes routiers, facilitant ainsi l’itinérance.

Les aides publiques toujours présentes

Les avantages fiscaux accordés restent conséquents : plafond d’amortissement à 30 000 €, exemption totale ou partielle de la carte grise.

Les aides sont de deux ordres : prime à la conversion permettant de remplacer un véhicule ancien par un véhicule électrique neuf et bonus écologique de 4000 € pour un véhicule utilitaire neuf. Ces avantages restent parmi les plus importants en Europe et doivent ainsi permettre d’aider au développement de ce marché.

Mais, malgré ces aides, le véhicule utilitaire électrique a un coût plus élevé que son équivalent diesel. Le coût se retrouve dans le prix d’achat mais aussi dans l’incertitude de la valeur résiduelle du véhicule ou du prix de revente après plusieurs années d’utilisation, sachant que les technologies continuent d’évoluer. La principale question qui explique la part de marché encore faible de ces véhicules est la suivante : qui supporte ce surcoût ?

Un choix plébiscité par les villes

Le choix de la motorisation électrique est soutenu par les réglementations locales. Il peut s’agir des Zones à Faibles Emissions, mais surtout des réglementations locales de livraison en centre-ville. Des villes de plus en plus nombreuses comme Strasbourg, Montpellier, Bayonne ou Chartres accordent des facilités horaires aux véhicules électriques, qui disposent alors de plus de temps pour effectuer les livraisons du dernier kilomètre.

La livraison écologique en véhicule électrique permet de réduire les émissions de polluants locaux, de Gaz à Effet de Serre mais aussi le bruit. Ces véhicules participent ainsi à l’apaisement des centres villes.

Mais le véhicule électrique de livraison, certes plébiscité par les villes, représente un surcoût qui ne peut pas être supporté par les transporteurs seuls. Les chargeurs et probablement les consommateurs, devront alors accepter de participer au prix d’une ville plus propre et plus apaisée.


Sources :

[1] Le baromètre de l’Avere indique 1,9% en février 2018 et 6,9% sur la moyenne janvier-avril 2024

[2] La moyenne janvier-avril 2024 est de 17,7% (source Avere)

[3] Contrat stratégique de filière 2024-2027

[4] Le nombre de VUL électriques commercialisés a toutefois doublé pendant cette période