La part des achats en circuits courts et en vrac connaît une forte croissance. Les consommateurs, de plus en plus concernés par l’origine des produits et leur impact environnemental, favorisent les économies de proximité. Mais ces nouvelles pratiques nécessitent d’inventer de nouvelles organisations de livraison.

L’alimentaire est le secteur le plus concerné par l’évolution des modes de consommation de proximité. Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à être sensibles à l’origine des produits et à leur mode de production.

Pourtant, la logistique du dernier kilomètre des denrées alimentaires en circuits courts est rarement bien optimisée. Les flux sont souvent fragmentés, notamment lorsque les livraisons sont réalisées par les producteurs eux-mêmes. Ces flux en trace directe optimisent rarement la capacité de transport des véhicules. Cette organisation implique de nombreux retours à vide. Pourtant, des alternatives existent et sont de plus en plus nombreuses.

Des réseaux de distribution matures

En premier lieu, il existe de nombreux réseaux de distribution en circuits courts matures. Les AMAP[1] (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), soutiennent l’agriculture diversifiée et biologique depuis plus de 20 ans. Les AMAP n’imposent pas de standardisation des aliments ; tout ce qui est produit est consommé. Au-delà de la consolidation des flux de denrées, locales et de saison, il s’agit d’un levier considérable dans la lutte contre le gaspillage alimentaire.

D’autres initiatives favorisant les circuits courts, comme la Ruche qui dit oui !, ont développé une offre de livraison à domicile en 24h en Ile-de-France, sur créneaux de 2h.[2] Les denrées parcourent en moyenne 70 km entre le producteur et le consommateur. Mais dépassées par le nombre de demandes depuis la crise du COVID-19, cette initiative se heurte à des difficultés logistiques : le respect des créneaux de livraison devient alors compliqué.[3]

D’autres initiatives permettent de fédérer les producteurs afin de mieux massifier les livraisons. Ainsi, les drive fermiers et coopératives permettent une consolidation des productions et une livraison en un point unique. Les consommateurs accèdent alors simplement à une offre très diversifiée de produits alimentaires frais. La coopérative des agriculteurs bio du Rhône et de la Loire Bio A Pro, située près de Lyon regroupe ainsi une quarantaine de producteurs et assure l’approvisionnement de la restauration collective ou commerciale et de magasins spécialisés.

Les initiatives B2C et B2B en circuits courts semblent donc relativement ancrées et matures, ce qui n’empêche pas l’émergence de nouveaux modèles.

L’émergence de nouveaux canaux

Afin de valoriser les producteurs locaux, le prestataire Collectivfood au Royaume-Uni consolide les flux de denrées alimentaires en circuit court pour le transport du dernier kilomètre. Cette initiative, à l’intention des professionnels londoniens de la restauration, permet de soutenir plus de 100 producteurs locaux. Travaillant également pour le B2B, le kiosque paysan à Nantes souhaite permettre aux producteurs locaux biologiques d’accéder au cœur de la métropole tout en réduisant au maximum l’empreinte carbone de la livraison du dernier kilomètre. Les flux sont consolidés dans un espace logistique de proximité et la livraison est réalisée en vélocargo et véhicule électrique.

La livraison au départ des exploitations agricoles constitue un défi. Les idées innovantes ne manquent pas. Ainsi, une startup située dans le Var, Grinoloco, a lancé une campagne de financement participatif afin de développer un service de transport collaboratif de légumes de producteurs locaux. Elle propose à toute personne qui se déplace en ferme de récupérer des légumes commandés par d’autres consommateurs afin de les déposer dans un point relais situé sur son trajet. Il faudra toutefois atteindre une masse critique suffisante de conducteurs pour pouvoir satisfaire la demande des destinataires. Face à cette problématique, Péligourmet et La Charrette, deux autres plateformes de circuits courts, ont privilégié la fiabilisation du service de livraison en se tournant finalement vers les transporteurs professionnels.

Manger local c’est bien, sans emballages c’est mieux !

Parmi les réseaux soutenant la vente en circuits courts, on retrouve les magasins de vente en vrac. Dans l’objectif de réduire leurs déchets, les clients s’y rendent avec leurs propres contenants, les tarent et les remplissent. Selon l’Ademe, l’achat en vrac permet de réduire les déchets de 2,4 kg par an et par personne, ce qui n’est pas sans conséquence sur les flux de déchets dans les grandes agglomérations.[4] Les emballages générés par ces magasins sont récupérés en tournées de collecte par des prestataires spécialisés qui délivrent des certificats de recyclage.

Le retour aux contenants consignés en verre constitue un autre levier de réduction des déchets : 28 kg par an et par personne. De nombreux réseaux de consignes se sont déployés en France, comme Alsace Consigne qui traite 25 millions de bouteilles consignées chaque année. Un tel volume nécessite un traitement logistique spécifique, afin de massifier la collecte des bouteilles, de les transporter en centres de lavage puis de les redistribuer.

Encore peu développée, la consigne de contenants en plastique est tout aussi pertinente sur le plan environnemental. Moins fragile et moins lourds, les emballages en plastique consignés simplifient les manutentions et les opérations de livraison, limitant les risques de casse et le poids transporté.

Malheureusement, la production locale n’est pas toujours destinée à l’alimentation locale. Il est nécessaire de réduire les distances parcourues par les denrées alimentaires pour appuyer la pertinence écologique de la vente en circuits courts. La résilience des territoires pour atteindre une autonomie alimentaire, le développement de l’agriculture urbaine et la préservation de terres agricoles à proximité des bassins de consommation sont des combats à mener de front avec la livraison du dernier kilomètre écologique.


[1] http://reseau-amap.org/

[2] https://alamaison.laruchequiditoui.fr/la-livraison

[3] https://alamaison.zendesk.com/hc/fr/articles/360016566291

[4] https://fr.calameo.com/read/004599499c936c5f74911