Présenté en mai dernier, le rapport d’information du Sénat relatif à la logistique urbaine durable dévoile 14 propositions pour faire du dernier kilomètre décarboné une opportunité pour les territoires.

Pour la première fois, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a décidé de s’intéresser à la logistique urbaine et au dernier kilomètre. Le rapport d’information relatif à la logistique urbaine durable, élaboré par les sénatrices Martine FILLEUL et Christine HERZOG, a été rendu public le 24 mai dernier. L’objectif de ce rapport est de présenter la logistique urbaine comme une opportunité pour les agglomérations, et non comme une contrainte.

Le transport de marchandises en ville est indispensable au fonctionnement des centres urbains. Son volume augmente avec l’essor du e-commerce et l’urbanisation. Mais son fonctionnement se voit de plus en plus contraint par les évolutions réglementaires, comme les ZFE-m[1]. Le rapport[2] propose d’anticiper ces évolutions grâce à 14 propositions structurées autour de 4 axes :

  • Mieux intégrer la logistique dans l’espace urbain
  • Améliorer les règles de circulation et de stationnement afin d’optimiser le partage de la voirie
  • Accompagner la décarbonation des flottes et soutenir le report vers des modes moins polluants
  • Sensibiliser les consommateurs sur l’impact environnemental de leurs livraisons

Intégrer la logistique dans l’espace urbain

Le rapport pointe une insuffisante connaissance des flux de marchandises dans les agglomérations, un manque de dialogue entre les acteurs et « une faible intégration des besoins liés à la logistique urbaine dans les documents de planification ». Trois recommandations sont émises afin d’y remédier.

En premier lieu, ce rapport propose de réaliser des enquêtes sur le transport de marchandises en ciblant l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici 2024, grâce à un co-financement de l’Etat et des collectivités territoriales. La prolongation du programme InterLUD pour la période 2023 – 2025 est également préconisée. Ensuite, le document recommande d’ouvrir la concertation entre les acteurs publics et économiques, notamment en amont des évolutions réglementaires de type ZFE-m, et d’approfondir l’intégration de la logistique urbaine dans les documents de planification des collectivités territoriales.

Optimiser les règles de circulation et de stationnement

La logistique du dernier kilomètre est confrontée à des difficultés de circulation et de stationnement. En effet, les réglementations sont hétérogènes d’une commune à l’autre et les contrôles peu efficaces au sein d’une ZFE-m. Ainsi, il est recommandé de partager plus facilement les données relatives à la réglementation régissant le transport de marchandises, grâce à la constitution d’une base de données et à sa diffusion auprès des acteurs économiques. En effet, la numérisation de ces informations permettra aux transporteurs d’optimiser leurs tournées de livraison. De plus, le rapport propose d’accélérer le déploiement de la lecture automatique des plaques de véhicules afin de « faciliter le contrôle des règles de circulation », notamment dans les ZFE-m.

Le rapport d’information encourage également les livraisons en horaires décalés. En effet, la ville de Bordeaux a constaté une baisse de 4% des émissions de CO2 suite à une telle expérimentation.

Enfin, il est constaté que de nombreuses aires de livraison ne sont pas adaptées aux véhicules de transport de marchandises et que leur utilisation est souvent illicite (dans 47% du temps à Paris). Le Sénat préconise de créer un nombre suffisant d’aires bien dimensionnées, de renforcer le contrôle des stationnements illicites sur les aires de livraison et de mener des expérimentations facilitant le partage des aires de livraison, afin de fluidifier leurs usages.

Accompagner la décarbonation des flottes

2040 signera la fin de la vente de Poids-Lourds utilisant majoritairement des énergies fossiles et des Véhicules Utilitaires Légers motorisés aux énergies fossiles. Malgré des objectifs ambitieux de doublement de la part du modale du fluvial et du fret ferroviaire, la transition énergétique des véhicules de transport de marchandises constitue un levier à activer pour décarboner la livraison du dernier kilomètre. Cependant, les transporteurs font face à plusieurs obstacles : les technologies sobres ne sont pas toutes matures, l’autonomie des véhicules est parfois insuffisante, le coût d’acquisition reste élevé et les délais de commande sont particulièrement longs, notamment dans la période actuelle.

Il est donc proposé qu’une feuille de route soit dressée pour la transition énergétique des véhicules de livraison et l’installation de bornes d’avitaillement en énergies alternatives. Prioriser le soutien à l’acquisition de véhicules propres avec des aides ciblées et déployer des bornes de recharge électrique privées sont également des recommandations soutenues par le Sénat.

En parallèle, l’effort sur le report modal vers le fret fluvial et la cyclologistique doit être soutenu afin de décarboner la logistique urbaine. Ainsi, le rapport plaide pour rendre le schéma de logistique fluviale obligatoire pour les « agglomérations desservies par la voie d’eau » et de donner à Voies Navigables de France (VNF) les moyens « d’acquérir du foncier et d’aménager des terrains en bord à voie d’eau, notamment afin de développer les expérimentations de quais à usage partagé ». Pour le déploiement de la cyclologistique, il s’agira de faciliter l’achat de vélocargos pour un usage professionnel.

Sensibiliser les consommateurs

Le e-commerce connait une croissance constante, qui se traduit en flux de marchandises supplémentaires dans les zones urbaines. Or la mutualisation des livraisons peut être favorisée par la sensibilisation des consommateurs aux conséquences logistiques de leurs achats en ligne.

C’est pourquoi le rapport soutient l’interdiction de la mention « livraison gratuite » sur les sites marchands, qui sera appliquée dès janvier 2023, et suggère d’informer le consommateur de l’impact environnemental de ses livraisons, et d’y associer des recommandations pour le réduire lors de prochaines commandes. Il est également souhaité de créer un label valorisant les entreprises « engagées dans une démarche de logistique durable » et qui considèrent la mutualisation des flux.

Le rapport du Sénat propose donc des mesures concrètes pour faciliter le verdissement de la logistique du dernier kilomètre. Faisant écho au dernier rapport de France Logistique sur la logistique urbaine durable qui a fait l’objet d’un précédent article[3], nous ne pouvons que saluer cette initiative des sénatrices en charge de cette mission, qui appelle à la mobilisation de tous les acteurs publics et privés.


[1] Zones à Faibles Emissions mobilité

[2] https://www.senat.fr/rap/r21-636/r21-6361.pdf

[3] https://www.groupestarservice.com/blog/la-cooperation-au-coeur-du-rapport-logistique-urbaine-durable/