Le fret et notamment le dernier kilomètre compte pour une part conséquente des émissions de gaz à effet de serre. Les entreprises et transporteurs sont incités à mettre en place une démarche de Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE). Zoom sur les indicateurs du transport et leurs leviers de décarbonation.

Déjà responsable de 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les volumes d’émissions du secteur du transport de marchandises pourraient continuer à augmenter de 22% d’ici 2050 selon les dernières estimations de l’OCDE[1]. Sont en cause le développement des échanges et le commerce électronique, mais aussi l’augmentation constante de la population et de la consommation.

Un des enjeux de la RSE est environnemental. Le code des transports présente un cadre réglementaire pour les calculs et informations relatives aux émissions de GES des transporteurs. L’article L.1431-3 indique que « toute personne qui commercialise ou organise une prestation de transport de personnes, de marchandises ou de déménagement doit fournir au bénéficiaire de la prestation une information relative à la quantité de gaz à effet de serre émise par le ou les modes de transport utilisés pour réaliser cette prestation ». Il est complété par les articles D.1431-1 à D.1431-23[2] qui définissent des principes de calculs communs à tous les modes de transport.

Mais au-delà des émissions de GES, une démarche RSE globale doit intégrer le développement des territoires, la loyauté des pratiques, les droits de l’homme ainsi que les enjeux relatifs aux clients et aux consommateurs.

23 indicateurs clés pour piloter la démarche

Au travers de la stratégie nationale « France Logistique 2025 », l’Etat a créé un référentiel de la RSE en logistique[3], bien adapté aux besoins spécifiques de cette filière. Il se décline en 3 piliers, l’environnement, le social et l’économie, et s’adresse tant aux prestataires de services logistiques externes qu’aux comptes propres. Le référentiel RSE se décline en 5 fascicules disponibles en ligne, dont « Pilotage & Dialogue« , qui propose une synthèse de 23 indicateurs[4] pour permettre aux opérateurs d’activités de piloter cette démarche et de la communiquer aux donneurs d’ordres.

En termes de gouvernance et défini comme une priorité, il s’agit de mesurer l’intégration de la RSE dans la stratégie de l’entreprise. Concernant les droits de l’homme, le nombre et la fréquence d’audits externes permettent de promouvoir la RSE dans toute la chaîne de de valeur.

Quant aux aspects sociaux, il s’agit de mesurer le « nombre total d’incidents et d’actions en justice intentées, liés au non-respect du droit du travail, contre l’opérateur d’activités logistiques au cours de l’exercice », le taux d’absentéisme, l’écart de rémunération moyenne entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise, la fréquence d’accidents avec ou sans arrêts ainsi que le nombre d’heures de formation par an et par salarié. Par ailleurs, le nombre de propositions de salariés permettant l’amélioration des activités de l’entreprise permet de mesurer le dialogue social.

L’évaluation de la loyauté des pratiques peut s’effectuer grâce à la part de salariés formés à la lutte contre la corruption. Quant au taux de rotation des fournisseurs et à la durée des contrats signés entre les donneurs d’ordres et le prestataire logistique, ils permettent de mesurer le caractère durable entre clients, sous-traitants et fournisseurs. L’expérience client peut également être évaluée, avec notamment le taux de factures émises en retard ou de paiements dépassés, le taux de réclamation client, ou encore le taux de litiges.

Enfin, 5 indicateurs relatifs à l’environnement sont déclinés dans le document. Cet aspect peut être approfondi grâce à des démarches dédiées et adaptées au secteur du transport.

Une démarche volontaire des transporteurs

Alors que l’initiative FRET21 s’adresse aux chargeurs, le dispositif Objectif C02 accompagne les transporteurs, notamment ceux qui interviennent sur le dernier kilomètre. Disposant de leur propre flotte, les transporteurs peuvent suivre leurs données d’activité, notamment la consommation de carburant et les kilomètres parcourus. Les tableaux de bord peuvent enregistrer la consommation moyenne de carburant pour 100km parcourus. Grâce à la base de données du programme, les transporteurs engagés dans la démarche obtiennent les émissions de GES induites par leur activité. Elles sont obtenues en multipliant la consommation de carburant par le facteur d’émission, c’est-à-dire la quantité de CO2 équivalent émise par litre de carburant consommé.

Toutefois, pour présenter une image globale de l’impact RSE de son entreprise, le transporteur doit également comptabiliser les émissions induites par ses sous-traitants. Elles peuvent être présentées en termes d’émissions de GES ou CO2eq, en nombre de tonnes transportées ou encore en nombre de tonnes-kilomètres transportées. Le tableau de bord permet également de sélectionner le mode de transport choisi, pour une évaluation la plus fine possible. Ainsi, un facteur d’émission propre à chaque mode de transport sera utilisé.

Les indicateurs des transporteurs fournissent généralement des résultats sous différentes unités : les GES en tonnes CO2e, des kgCO2e/unité d’œuvre (par exemple des colis ou des palettes), des kgCO2e/tonne transportée et enfin des gCO2/t.km. Les calculs des tableaux de bord reposent généralement toujours sur le même principe : le transporteur saisit ses données d’activité et ces données sont converties en émissions de GES grâce à une estimation de consommation moyenne selon les gabarits et taux de remplissage des véhicules.

Bien qu’elle ne soit pas spécifique au secteur du transport, une autre démarche volontaire, comme la certification de management environnemental de type ISO 14 001, permet d’appuyer la démarche environnementale d’une entreprise.

Pourquoi suivre des indicateurs ?

Être proactif dans la gestion et le suivi d’indicateurs d’émissions de GES d’une activité transport et livraison urbaine présente plusieurs avantages. Cela permet de mesurer les bénéfices environnementaux de mesures prises, et ainsi de valoriser les efforts conduits par l’entreprise. Ils constituent ainsi un véritable avantage concurrentiel. Les transporteurs peuvent aussi opter pour des outils proposant des tableaux de bord intégrés et facilitant la communication auprès de leurs clients, comme Ecovadis.

Les ambitions RSE du transport du dernier kilomètre dépendront certes des mesures politiques et des évolutions technologiques pour déployer les motorisations alternatives, mais les entreprises, tant chargeurs que transporteurs, doivent y consacrer des moyens financiers pour assurer le succès de cette transition. Notons toutefois qu’une stratégie RSE ne doit pas se limiter qu’aux émissions de GES. Le bien-être des salariés, la satisfaction client, la sécurité au travail et les conditions de travail figurent au cœur d’une telle démarche.


[1] https://www.carbone4.com/files/sondage_bp2r_Carbone_4_transport_marchandises_decarbonation.pdf

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000034510398/2022-01-12

[3] https://www.ecologie.gouv.fr/referentiel-responsabilite-societale-des-entreprises-rse-en-logistique

[4] P.17 : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Fascicule%204.pdf