Faciliter la mutualisation pour le transport écologique de marchandises constitue un enjeu pour les villes. Les espaces logistiques urbains peinent à se déployer dans les zones urbaines denses, où l’immobilier est sous tension. Des innovations se dessinent afin de créer de nouveaux espaces logistiques en ville.

Souvent mal aimée en zone urbaine, car associée aux externalités négatives qu’elle génère, la logistique urbaine est pourtant nécessaire à la dynamique des centres-villes. Afin de répondre à la demande croissante du e-commerce, générateur de transport express, tout en répondant aux enjeux du défi climatique, il devient nécessaire de retrouver des espaces logistiques en zone urbaine dense. Pour cela, les acteurs de la logistique, du transport écologique et du transport ne manquent pas de créativité.

Réhabiliter des espaces urbains sous-exploités

Paris constitue un cas spécifique sur le plan de la mobilité des personnes. La densité du réseau de transport public, mais aussi l’existence de commerces de proximité, font que les parisiens ont délaissé la voiture individuelle.  De nombreux parkings publics ou privés sont alors sous-utilisés. Idéalement situés, ces parkings peuvent alors être réhabilités en espaces logistiques urbains et permettre la consolidation des flux. C’est notamment ce qu’envisage Sogaris, associé au cabinet d’architecture Syvil dans le cadre de la consultation « Réinventer Paris 2 ». La transformation d’un ancien parking souterrain de 6 niveaux dans le 3ème arrondissement permettrait de mettre en œuvre des solutions de transport écologique et de desservir 22000 foyers dans un rayon de 700 mètres au départ de cet espace.

Toutefois, cette réappropriation se heurte à des difficultés. Au-delà de l’acceptation par les habitants, la porte d’accès au parking doit par exemple être suffisamment large et haute pour réceptionner les marchandises de façon massifiée, avant de pouvoir les redistribuer, consolidées, en modes de transport écologique.

Une autre initiative mise en œuvre à Prague pourrait constituer un exemple de réutilisation d’espaces délaissés urbains. Le « Cargo depot bike Praha » est organisé sous la forme de containers aménagés sous un pont de type échangeur, en remplacement d’un parking. Il permet à plusieurs acteurs de la livraison de disposer d’un petit espace de stockage pour leur matériel et les colis, d’où partent des vélos-cargos pour livrer le centre-ville. Ces micro-dépôts seront expérimentés et évalués en continu pendant 6 mois. Si l’opération s’avère fructueuse, le concept sera étendu sur la capitale puis dans d’autres villes.

Le déploiement d’espaces logistiques urbains permettant la consolidation des flux ne pourra pas se réaliser sans le soutien des collectivités locales. Des études de besoin préalables sont nécessaires avant leur réalisation, afin d’éviter les échecs.

L’émergence de solutions de stockage plus flexibles, temporaires ou mobiles permet de réduire ce risque.

Utiliser des capacités de stockage résiduelles

Dans les zones urbaines denses, les besoins de stockage de proximité sont souvent une réalité, pour les commerçants, les artisans, ou pour les activités de consolidation des flux. Spacefill qui se présente comme le « spécialiste du stockage professionnel décentralisé », a récemment levé 7 millions d’euros. La jeune pousse mise sur l’espace inoccupé des entrepôts, estimé à 25% en France, afin de développer le premier service de stockage professionnel connecté à l’échelle européenne. Pour cela, Spacefill souhaite ouvrir une filiale en Allemagne en 2021.

Limiter les échecs à la livraison permet également de réduire les besoins en stockage de colis. La startup Welco propose une solution de « point relais » collaboratif entre voisins. Ainsi, un particulier peut proposer de réceptionner le colis de son voisin en son absence, moyennant une rétribution financière. L’offre est proposée tant aux acteurs professionnels de la livraison qu’aux commerçants.

Les plateformes logistiques temporaires, partagées et mobiles

FM Logistic et Novaxia ont obtenu un soutien de la région Ile-de-France dans le cadre d’un AMI pour le fret et la logistique. Le projet « P.L.U.M.E. » (Plateforme de Logistique Urbaine Modulaire Eco conçue) vise à transformer des bâtiments urbains temporairement vacants, comme d’anciens bureaux, en espaces logistiques de proximité. Pour cela, des modules accueillant des espaces de stockage pourront être déplacés dans de nouveaux espaces fonciers disponibles.

Constatant que les garages accueillant les bus étaient inoccupés en journée, la RATP a lancé en Juillet 2020 une offre innovante de « mixité fonctionnelle ». Les 5800 m² d’espaces disponibles peuvent alors être exploités pour des activités de logistique urbaine, et notamment du dernier kilomètre. Cette solution, dénommée « Espaces Urbains de Distribution », est ouverte à tout opérateur « gérant des activités de logistique urbaine en Île-de-France ». L’exploitation pourra démarrer dès janvier 2021.

Ces exemples montrent la nécessité de mieux saturer les capacités existantes dans les villes afin de consolider les flux et effectuer des opérations de transport écologique.

Ces solutions devront toutefois évoluer en parallèle avec les espaces logistiques urbains fixes, nécessaires pour répondre aux besoins croissants des livraisons de marchandises en ville.

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