La croissance du e-commerce et les réglementations de plus en plus contraignantes imposent de trouver des solutions de proximité permettant la consolidation des flux et une livraison écologique. La livraison d’hyperproximité à pied et la livraison en triporteur font partie des solutions en fort développement répondant à ces attentes.

Favorisés par l’essor du e-commerce et donc du nombre de colis en circulation, estimé à 1 milliard en 2020[1], les acteurs de la livraison en modes doux se multiplient dans les zones urbaines. Les réseaux de distribution de colis collaborent avec ces services ou développent des solutions en propre. Ces initiatives sont-elles encore embryonnaires ou désormais totalement intégrées pour assurer la logistique du dernier kilomètre ?

Un mode de livraison ancien et nouveau

La cyclologistique date du 19ème siècle. La première expérience qui peut s’apparenter à une utilisation professionnelle du vélo date de 1869, à Marennes. Le maire de cette ville de Charente décide alors de doter des facteurs d’un vélo afin de réduire la pénibilité des tournées, effectuées jusqu’alors à pied. A la fin du siècle apparaissent les premiers triporteurs, qui se développent au début du 20ème siècle.

Dans les années 1920, Casino les utilise pour les livraisons à domicile. Ils continuent à être utilisés dans les années 1950. Le triporteur est immortalisé dans le film de 1957 de Jacques Pinoteau. Puis, curieusement, ce mode de livraison disparaît au profit des véhicules utilitaires, de plus grande capacité.

C’est à la toute fin du 20ème siècle que nous redécouvrons ce mode de transport, écologique, simple et adapté aux centres villes. A ce titre, La Petite Reine a été le premier acteur à relancer ce mode de livraison doux depuis 2001.

Le stade de l’expérimentation dépassé

Les livraisons en triporteurs et à pied offrent de nombreux avantages dans les espaces urbains contraints : suppression des émissions locales de CO2 et de particules fines, absence de nuisances sonores, participation à la décongestion des rues, circulation aisée dans les zones piétonnes…. De ce fait, les transporteurs professionnels ont su tirer parti de ces modes de livraison pour augmenter l’efficience de la livraison du dernier kilomètre et les rendre ainsi tout aussi compétitifs que les modes de livraison traditionnels.

En effet, la livraison en modes doux permet de consolider les marchandises dans des espaces logistiques de proximité, généralement approvisionnés par des véhicules utilitaires électriques ou GNV au plus près des cœurs de ville. Les vélocargos et livreurs piétons prennent ensuite le relais pour assurer la livraison du dernier kilomètre en plusieurs tournées. Ils sont aussi utilisés pour la livraison au départ des commerces de proximité, qui connaissent depuis quelques années un fort développement.

Le matériel étant peu encombrant, les livreurs peuvent se faufiler tout au long de la journée dans la ville pour livrer les destinataires dans les délais impartis. Finis les stationnements en double file, les risques d’amendes, le danger imminent dû aux manipulations de marchandises sur la chaussée… La pénibilité des chauffeurs livreurs se voit réduite et leur image valorisée aux yeux des citadins.

Malgré tous ces avantages reconnus et la maturité des initiatives, les livraisons en triporteur ou à pied représentent aujourd’hui encore moins de 2% des opérations de livraisons. Mais leur développement récent laisse présager un grand avenir, d’autant plus que les réglementations incitatives se multiplient.

Un déploiement encouragé par les réglementations

Afin d’améliorer la qualité de vie en zone urbaine, les grandes métropoles mettent en place de nombreuses réglementations contraignantes pour la circulation des véhicules de livraison. Comme évoqué dans un précédent article, une dizaine de ZFE seront mises en place d’ici 2021. Les véhicules les plus polluants seront petit à petit évincés des zones urbaines, selon les échelons calendaires propres à chaque métropole.

Les ZFE constituent une réglementation qui complète un dispositif déjà souvent contraignant : limitation d’horaires et de gabarits dans zones denses de plus en plus élargies, secteurs piétonniers étendus et contrôlés par des bornes hydrauliques.

Pour répondre aux attentes tant des collectivités que des clients, les cycloentreprises se sont multipliées, dans toutes les villes. L’association Les Boîtes à Vélo recense une multitude d’initiatives vertueuses d’artisans engagés et d’entreprises de livraison en vélocargo dans l’hexagone.

Ces réglementations sont souvent la conséquence d’orientations mentionnées dans les documents d’urbanisme, qui encadrent les pratiques de développement des territoires.

Une tendance qui se retrouve à l’échelle mondiale

Selon un récent rapport du World Economic Forum, la demande pour la logistique du dernier kilomètre connaîtra une croissance de 78% globalement d’ici 2030[2]. Bien que 2/3 des flux soient attribués au B2B, la part du B2C est en constante augmentation suivant l’évolution du e-commerce. L’urbanisation, la livraison instantanée ainsi que l’essor de nouvelles technologies (notamment les véhicules autonomes) contribuera à l’augmentation des flux en ville. De Bristol à Tokyo les livraisons à pied et en triporteur se déploient pour accompagner la masse grandissante de colis en circulation.

La livraison à pied est très développée au Japon, qui souffre d’une pénurie de main d’œuvre de livreurs et est caractérisée par une densité urbaine. Elle est efficace sur des tournées très concentrées et des points de rechargement de proximité. Au Royaume-Uni, qui connait la part d’e-commerce la plus conséquente d’Europe (près de 22% de la consommation en 2019), les espaces logistiques de proximité apportent à Londres et à Bristol des solutions pour verdir le dernier kilomètre. D’autres pays européens prennent des initiatives dans ce sens. Ainsi, Amsterdam proscrira la circulation de l’ensemble des véhicules thermiques d’ici 2025.

Toutes les livraisons ne pourront toutefois pas être effectuées en vélocargos ou à pied. Mais le potentiel d’amélioration est bien réel. Responsable de 25% des émissions de CO2 et de 30% de la congestion[3], la logistique urbaine en triporteur et à pied contribue à la décarbonation de la mobilité.


[1] https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2021/01/22/achats-en-ligne-quand-la-livraison-tourne-au-cauchemar_6067265_4497

[2] http://www3.weforum.org/docs/WEF_Future_of_the_last_mile_ecosystem.pdf

[3] https://www.lanouvellerepublique.fr/economie/demain-le-dernier-kilometre-une-necessaire-mutualisation