Fin septembre, l’ADEME a publié le panorama de la cyclologistique en France réalisé par l’association Les Boîtes à Vélo. Ce rapport dresse un état de lieux, précise les enjeux et les recommandations pour le développement de cette filière. Voici les éléments clés de l’étude.
Très attendu dans un contexte de mesures réglementaires de plus en plus contraignantes visant la logistique du dernier kilomètre, le panorama de la cyclologistique en France dresse un portrait historique, actuel, mais aussi social, économique et environnemental. Les sujets d’aménagement et d’infrastructures des territoires sont également abordés.
L’étude définit la cyclologistique comme « l’organisation et la réalisation du transport de marchandises ou de biens pour le compte d’autrui, réalisées en cycle (vélo) », constituée de 3 segments :
– la distribution de courrier postal
– la livraison de repas, affiliée aux plateformes d’intermédiation
– le reste de la cyclologistique avec sa variété de sous-secteurs dont la livraison du dernier kilomètre par les opérateurs de transport.
Qui sont les cyclologisticiens ? Où sont-ils ? Que font-ils ?
L’étude dénombre près de 200 opérateurs, présents dans 74 villes. Les cyclologisticiens sont majoritairement dans la tranche d‘âge 23 – 37 ans et sont des diplômés.
Les entreprises de cyclologistique sont situées dans les villes de 4 000 à 2 200 000 habitants. Toutefois, 68 % d’entre elles sont présentes dans les villes de plus de 50 000 habitants. Les villes accueillant le plus grand nombre d’opérateurs sont Paris avec 34 opérateurs, puis Lyon (18), Bordeaux (14), Nantes (11), Lille (11) et Strasbourg (10).
La cyclologistique intervient sur de nombreux métiers. Les sous-secteurs de flux entrants intègrent le courrier postal, les colis, les palettes, ainsi que les denrées alimentaires et médicales. Quant aux flux intra-urbains, ils concernent les livraisons de repas, les livraisons traiteur, les sorties de caisse des enseignes de la grande distribution, les livraisons des commerces de proximité, distributions de dépliants et déménagements. La livraison de colis, B2B ou B2C, reste prépondérante parmi les offres de service des entreprises de cyclologistique, à hauteur de 41 % des activités. La course express représente quant à elle 19 % de l’offre, puis la livraison en sortie de caisse 15 %.
Les opérateurs de cyclologistique sont pour la plupart présents dans plusieurs sous-segments. 81 % d’entre eux exercent au moins deux activités, avec une moyenne de 2,8 sous-secteurs par opérateur.
Le vélocargo, champion de l’impact environnemental
L’étude rappelle qu’en 2020, les carburants pétroliers constituaient 98 % de l’énergie consommée dans les transports. Par ailleurs, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a récemment rappelé que le secteur routier a augmenté ses émissions de GES de 2,3 % en 2022[1] : les efforts de décarbonation du dernier kilomètre doivent donc s’amplifier.
A charges égales et par kilomètre parcouru, les vélocargos émettent 2,3 fois moins d’émissions de GES que les VUL électriques et 7,2 fois moins qu’un VUL diesel. L’utilisation d’un vélocargo est toutefois à privilégier par rapport à un VUL électrique pour un poids de marchandises transporté faible à moyen, soit jusqu’à peu près 100 kg. Cela concerne notamment la livraison de colis en zone urbaine. Au-delà, il n’existe pas de gain environnemental notable au recours d’un vélocargo. Mais comparé à un VUL diesel, le vélocargo reste avantageux.
Concernant les polluants locaux, à charges égales, les vélocargos émettent 2,4 fois moins de particules fines que les VUL électriques et 1,7 fois moins qu’un VUL diesel par kilomètre parcouru. Les émissions d’oxydes d’azote sont elles aussi réduites, les vélocargos émettant 2,2 fois moins que les VUL électriques et 9,2 fois moins que les VUL roulant au diesel.
Au global, par kilomètre parcouru, et quel que soit l’indicateur environnemental étudié, le vélocargo est 2 fois moins émetteur de polluants que le véhicule utilitaire léger électrique. Et les avantages de la cyclologistique ne s’arrêtent pas là !
Conditions de travail et féminisation : une analyse sans tabous
Grâce aux impacts d’exploitation, aux impacts directs, indirects et induits, le secteur de la cyclologistique contribue 1,4 fois plus au PIB français et génère 2 fois plus d’emplois que la moyenne des entreprises relativement à leur chiffre d’affaires.
La filière doit toutefois veiller à son attractivité, notamment pour réduire le fort turnover des équipes (l’ancienneté moyenne des livreurs est de 23,6 mois). Cette attractivité passe par des rémunérations plus élevées mais aussi des conditions de travail améliorées.
L’étude fait état d’une perception de conditions de circulation difficiles. 10 % des 186 livreurs et livreuses interrogés indiquent avoir été impliqués dans un accident corporel ou matériel grave en 2022.
Enfin, malgré les efforts réalisés, les femmes sont largement sous-représentées dans la filière avec seulement 7 % de livreuses à vélo. Parmi les difficultés rencontrées par les livreuses, il y a notamment les stéréotypes de genres, de performance ou liés à la mécanique. L’étude réalisée par les Boîtes à Vélos rappelle que les femmes sont plus exposées aux agressions et aux harcèlements sexuels dans l’espace public. Le design du vélocargo, notamment la distance entre la selle et le guidon et la forme de la selle, est inadapté aux femmes.
La cyclologistique est une filière d’avenir incontestable pour la logistique urbaine et qui trouvera toute sa place dans un monde post carbone. Présentant de nombreux avantages environnementaux et d’emprise au sol, elle doit toutefois poursuivre sa structuration.
[1] https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-grand-public-2023/