Le secteur de la livraison a dû faire preuve d’agilité pendant la période de confinement, et doit de nouveau s’adapter à l’évolution des modes de consommation et des pratiques dans un contexte post-crise. Plus que jamais, la livraison à domicile et les services digitaux associés sont une réalité.

Après 55 jours de confinement, marqués par des changements importants des modes de vie et de consommation et l’arrêt de nombreuses activités économiques, la vie reprend peu à peu. Mais tout n’est pas exactement comme avant.

L’espace public subit de nombreuses évolutions

Tout d’abord, au moins pour le moment, la congestion urbaine reste inexistante. Le maintien du télétravail et une incitation à l’étalement des horaires de travail ont pour conséquence un pic de congestion faible et anticipé d’une heure (7h30 au lieu de 8h30). En Île-de-France, ce sont seulement 25 kilomètres de bouchons qui sont constatées en pic (le 13 mai 2020) au lieu des 275 kilomètres habituels.

C’est un point positif notamment pour la productivité de la livraison urbaine, qui profite de conditions faciles d’accès aux zones de livraison.

Afin de limiter l’affluence dans les transports publics et l’usage de la voiture individuelle, la pratique du vélo est fortement recommandée pour les déplacements courts, comme la marche à pied. Dans de nombreuses villes du monde, des pistes cyclables provisoires ont été aménagées. Les villes françaises ne font pas exception. Le Cerema a publié un guide des recommandations d’aménagement pour développer la circulation des vélos et des piétons tout en respectant des gabarits sanitaires entre les personnes.

Si ces initiatives ont toute leur pertinence, nous pouvons toutefois nous inquiéter de l’absence de prise en compte dans ce guide des problématiques de livraison des commerces et des habitants qui sont situés le long de ces voies.

Les commerces non-alimentaires ouvrent, mais les consommateurs restent prudents

Les commerces non alimentaires sont à nouveau ouverts, mais pas les centres commerciaux et les grands magasins de plus de 40 000 m². Une récente étude de McKinsey réalisée dans différents pays explique que les consommateurs vont rester très prudents dans les prochaines semaines concernant leur fréquentation des magasins non-alimentaires et surtout des centres commerciaux. Les réseaux de points relais ouvrent également à nouveau.

La fermeture des points relais, essentiellement constitués de commerces non alimentaires, alors même que l’e-commerce était fortement sollicité, pose des questions sur ce modèle. Un rééquilibrage des points relais vers les commerces alimentaires mais aussi le développement de consignes de retrait sera probablement un sujet de réflexion pour les opérateurs.

Les réseaux de transport de colis, fortement perturbés pendant la période de confinement, notamment par un manque de personnel, retrouvent progressivement leur équilibre normal.

Les consommateurs ont privilégié les achats e-commerce, le click & collect et les livraisons à domicile durant les 2 mois de confinement. Ils sont heureux de pouvoir à nouveau profiter de points de vente ouverts. Les grandes enseignes, comme Fnac ou Zara connaissent des files d’attente importantes les tous premiers jours de réouverture.

Toutefois, les consommateurs équipés de masques hésitent à se promener dans les rayons, toucher les articles et essayer les vêtements. Le plaisir du shopping en magasin physique n’existe plus vraiment.

On peut donc raisonnablement penser que l’e-commerce et la préférence pour des solutions de livraison à domicile resteront privilégiées par de nombreux consommateurs.

Le télétravail continue

Le gouvernement a demandé aux entreprises de continuer à favoriser le télétravail afin de limiter les déplacements, notamment dans les transports publics.

Mais là aussi, tout ne reviendra peut-être pas comme avant. Si les situations de télétravail sont très hétérogènes, beaucoup d’entreprises ont compris que cela fonctionne et nombre de personnes apprécient de ne pas avoir de déplacements. Les visioconférences que nombre d’entre nous avons adopté permettent de maintenir un lien social avec les équipes et les collègues.

Pour le secteur de la livraison, le télétravail, outre le fait de fluidifier la circulation dans les agglomérations, permet aussi de réduire les taux d’échec à la présentation du livreur.

Un pouvoir d’achat en repli, qui impacte les livraisons

Le cabinet Diagma, dans une récente enquête, estime qu’il faudra au moins 6 mois pour stabiliser la Supply Chain des entreprises[1]. Un rapport de Forrester prévoit quant à lui qu’il faudra quatre ans pour que les commerces de détail retrouvent leur niveau d’avant crise, notamment du fait de la baisse du pouvoir d’achat de nombreux consommateurs.

A l’échelle mondiale, l’accélération de la transformation numérique est un fait. En Chine, même en amont de la crise, les intentions d’achat dans les magasins physiques ont chuté de 10 à 40% selon les secteurs. Aux Etats-Unis, les centres commerciaux désertés sont particulièrement impactés par le risque de faillite. Les ventes de détail baisseraient de 9,1% par rapport à 2019. Ce taux est estimé à 10,4% en Europe et de 14,7% en Asie-Pacifique, où la Chine est le plus impacté.

Dans les prochains mois, le secteur routier pourrait ainsi se retrouver en surcapacité. En Europe, selon la plateforme Transporeon[2], l’index de capacité a augmenté de 70% en Avril 2020 par rapport à Avril 2019. Cette hausse est de 75% sur les relations France-France.

Fort heureusement, la concurrence étrangère est actuellement en fort recul. Un dispositif de régulation légal ou réglementaire pourra s’avérer nécessaire afin de maintenir un équilibre.

Le secteur de la livraison du dernier kilomètre devra accompagner la transformation numérique des modes de consommation, qui s’accélère dans cette période de post-confinement. Lors d’une livraison à domicile, le livreur devient le seul contact humain du processus d’achat, que le magasin ne peut plus offrir. La qualité du service de livraison du dernier kilomètre deviendra plus que jamais un élément différenciant dans l’expérience d’achat.


[1] Source : Supply Chain Magazine, NL3133, 13/05/2020

[2] http://timconsult.com/en/news/