En cette période de confinement, l’e-commerce permet d’assurer la continuité de l’activité commerciale pour tous les secteurs. Les ventes en ligne, qui se traduisent souvent par des livraisons, affichent globalement une forte croissance, qui ne compense toutefois pas les pertes constatées par la fermeture des points de vente de produits non essentiels.

Non alimentaire : les consommateurs se tournent vers l’e-commerce

Les commerces physiques étant fermés, les consommateurs se tournent naturellement vers l’e-commerce, qui constitue la seule possibilité de s’approvisionner. Certains secteurs, comme l’informatique ou les jeux vidéo, mais aussi le matériel de sport d’intérieur ou les produits d’équipement de la maison, profitent pleinement de l’e-commerce dans cette période si particulière. Ces secteurs, dont la part de marché e-commerce se situait entre 20 et 26% en 2019, compensent partiellement les fermetures des points de vente physiques par l’augmentation des ventes e-commerce. Les points relais étant fermés, la seule solution proposée au consommateur est la livraison à domicile.

Le secteur de la mode et des accessoires, fortement pénalisé au début de la crise, atteint désormais un indice de chiffre d’affaires sur internet au niveau de la période de pré-confinement[1]. Les ventes de matériel de bricolage et de jardin affichent une forte croissance, tirées par le déploiement du click & collect. Leroy Merlin a par exemple réalisé 63% de ses ventes par ce canal durant la semaine du 13 avril. Pour le secteur du sport et des loisirs, Decathlon a doublé ses ventes en ligne, avec un pic de 12 000 commandes quotidiennes. Il en est de même pour les produits électroniques et informatiques, pour lesquels certaines enseignes enregistrent une croissance à 3 chiffres.[2] Les solutions proposées au consommateurs sont le click & collect, de plus en plus fréquemment proposé, et la livraison à domicile, qui s’impose plus que jamais comme un complément indispensable au commerce physique.

De façon surprenante, le secteur de la santé connait une belle croissance sur internet malgré l’ouverture des pharmacies. Les transactions sur les sites des pharmacies et des parapharmacies augmentent de 27%. Certaines officines ont ainsi vu leurs livraisons à domicile au départ des points de vente se multiplier par 4.

Pour la première fois depuis le début du confinement, les délais de livraison retrouvent un niveau presque normal. Les organisations de livraison, perturbées en début de pandémie par les modifications de flux et les contraintes sanitaires, mais aussi la fermeture des points relais, s’organisent progressivement. Les commerçants ont souvent déployé des solutions de click & collect et de livraison, dans un contexte réglementaire incitatif. En effet, le communiqué de presse du gouvernement du 21 avril dernier autorise le click & collect et la livraison à domicile pour les activités « non essentielles ».

L’e-commerce alimentaire poursuit son ascension

Bien que l’e-commerce alimentaire perde en dynamisme, il reste toujours 30% supérieur à son niveau de pré-confinement. La part de marché du e-commerce généraliste sur les produits de grande consommation et frais est passée de 7,4% au début 2020 à 9,5% pendant la période confinement, tirée par le drive.[3] Toutefois, les drives ne compensent pas totalement les ventes en magasins. Face au défi logistique d’un tel succès et pour limiter les ruptures, l’assortiment de produits proposés en drive a été réduit de près de 7% dans les entrepôts déportés et de 5,3% dans les drives accolés aux magasins.[4] Pour répondre à la forte demande de livraisons à domicile, notamment dans les grandes agglomérations,  les grandes enseignes ont développé leurs moyens de livraison du dernier kilomètre et leurs services, en respectant les règles sanitaires qui s’imposent. Le groupe Casino, Leclerc, Cora, Carrefour, Auchan ont tous noué des partenariats avec des acteurs du dernier kilomètre de livraison pour augmenter leurs capacités. La livraison sans contact, qui a donné lieu à plusieurs innovations (voir notre article du 14 Avril), s’est mise en place pendant le confinement.

Avec 8,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, le groupe Casino a ainsi vu ses ventes augmenter de 6,4% au premier trimestre 2020. Le groupe a augmenté ses capacités de livraison à domicile, en click & collect et en drive, atteignant 20 000 commandes par jour contre 6 500 au début de l’année. Monoprix met notamment en service, malgré la situation de confinement, le nouvel entrepôt de Fleury-Merogis, développé avec la technologie Ocado, qui permet d’effectuer des livraisons dans toute l’Ile-de-France.  Les enseignes Monoprix et Franprix, disposant d’un maillage très dense de magasins de proximité, ont déployé le click & collect dans 364 magasins.[5] Ces exemples nous montrent que la croissance du e-commerce alimentaire s’accompagne d’un maillage de magasins de proximité et d’une gestion logistique et livraison du dernier kilomètre robuste.

Les leaders profitent de la situation dans un contexte sensible

Le baromètre Foxintelligence a estimé, à l’issue de la décision du tribunal de Nanterre, qu’Amazon avait perdu 20% de son chiffre d’affaires suite à la fermeture de ses sites logistiques le 16 avril. Sa part de marché a perdu 9 points au cours de la 5ème semaine de confinement, passant de 36% à 27% en une semaine. Cette chute a fait baisser le volume de ventes global du e-commerce non-alimentaire, mais a aussi bénéficié à d’autres e-commerçants tels Apple, Cdiscount, Fnac et Veepee. Les ventes du géant américain affichent néanmoins une progression dans les autres pays européens, la plus forte étant +43% au Royaume-Uni.

En amont de la fermeture des entrepôts Amazon, Cdiscount a enregistré 25% de croissance du volume d’affaires de ses produits depuis fin mars. Il est probable que Cdiscount ait bénéficié pleinement de la fermeture des sites Amazon. C’est une bonne nouvelle pour le distributeur, qui avait perdu 2% de part de marché ces 3 dernières semaines, par rapport aux deux premières de confinement, et affichait un chiffre d’affaires en baisse en comparaison au premier trimestre 2019.

Bien que l’activité e-commerce globale s’améliore, le nombre de livraisons reste inférieur de 37% par rapport à une journée comparable de 2019 en Ile-de-France.[6]

L’e-commerce continue sa croissance dans un contexte morose

Sur le plan mondial, du fait de la fermeture des points de vente dans de nombreux pays et des règles de confinement, le nombre d’e-consommateurs a augmenté de 40% au premier trimestre 2020, notamment grâce aux seniors.[7] Le commerce de détail en ligne affiche une croissance mondiale de 20% par rapport à 2019. Il est également intéressant de noter que les revenus des sites proposant le click & collect, souvent en complément à des solutions de livraison,  ont augmenté de 27%, contre 13% pour les sites ne proposant pas cette option.

Les chiffres exposés ci-dessus ne semblent toutefois pas suffire à compenser les pertes des magasins physiques, tant en France qu’à l’échelle européenne.

L’e-commerce n’a jamais connu un tel rebond et constitue un levier vital pour poursuivre une activité commerciale pendant la période de confinement. Toutefois, la consommation globale des français, restreints dans un premier temps aux achats de biens de première nécessité, a chuté d’un tiers selon l’INSEE. Les chiffres records du secteur de l’alimentation, notamment les sites en ligne de vente et de livraison, ne suffisent pas à compenser les pertes dans les autres secteurs du commerce.

Les transporteurs, déstabilisés au début de la crise, ont rapidement retrouvé un équilibre et assurent un service de livraison du dernier kilomètre indispensable.

Les habitudes des consommateurs, et la durée incertaine de la crise, avec pendant longtemps des mesures sanitaires imposées, inciteront les consommateurs à favoriser les solutions réduisant les contacts. L’e-commerce, avec les solutions de livraison et de retrait, répond à ces problématiques.

Il est donc probable que la digitalisation « forcée » du retail perdure dans le temps.


[1] Source baromètre Nielsen

[2] https://www.prestashop.com/fr/blog/chiffres-e-commerce-confinement

[3] Source baromètre Nielsen

[4] Source baromètre Nielsen

[5] https://www.larevuedudigital.com/les-ventes-de-casino-decollent-au-premier-trimestre-2020/

[6] Source Chaire logistics – Bilan #4 – 17 au 24 Avril 2020

[7] Source Salesforce (analyse des activités de plus d’un milliard d’e-acheteurs pour identifier les tendances du retail e-commerce dans le monde).