Avec comme objectif de décarboniser l’économie d’ici 2050, le think tank The Shift Project partage les résultats de ses premiers travaux sur le volet fret. Un travail scientifique poussé qui appuie, chiffres à la clé, des solutions concrètes et opérationnelles de verdissement du transport de marchandises et de la livraison du dernier kilomètre.

Le 20 mai dernier, le think tank « The Shift Project » a présenté les premiers éléments du volet Fret de son « Plan de transformation de l’économie française » (PTEF)(1). Initié en 2020, le PTEF vise à décarboner l’économie française en proposant des rapports sectoriels approfondis qui présentent des solutions pragmatiques et réalistes. Le rapport intermédiaire sur le Fret présente de nombreux axes de réflexion autour de la logistique urbaine sur le moyen et long terme (2027 – 2050).

Retour sur les émissions de GES des transports

En France, les transports constituent le premier poste d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES). Il s’agit du seul segment dont les émissions n’ont pas baissé depuis 1990. Or le fret compte pour 10% des émissions de GES françaises (hors services du dernier kilomètre effectués par des particuliers, transport hors des frontières, aérien, maritime et oléoduc). Il convient de réfléchir à la résilience de ce secteur qui représente 1,5 millions d’emplois, en intégrant le transport de marchandises, la manutention et le stockage.

Le think tank pointe deux facteurs qui ont aggravé le poids carbone de la logistique : le report modal vers le mode routier et la baisse du taux de remplissage des véhicules. Selon l’équipe projet, le scénario « Business as usual », c’est-à-dire sans évolution des modes de consommation, augmenterait encore la demande en fret d’ici 2050. Le scénario proposé consiste à réduire le besoin en fret grâce à plusieurs leviers.

Favoriser le report modal

Depuis les années 1960, les parts modales du fret ferroviaire et fluvial ont fortement décliné face à l’essor du transport routier, qui est passé de 34% à aujourd’hui 88,5%. Or le ferroviaire et le fluvial sont deux modes de transport plus sobres que le routier. Ainsi, une grande péniche peut transporter l’équivalent d’environ 100 articulés de 40 tonnes. De plus, les fleuves français sont sous-utilisés. VNF indique qu’il est possible de doubler la capacité de trafic fluvial sur le Rhin, de la multiplier par 3 à 4 sur la Seine Amont et le Rhône, et par 4 sur la Seine aval.

Quant à la part modale du fer, elle est de 9% en France, contre une moyenne européenne de 18%. L’Autriche et la Suisse bénéficient d’une part modale du fer de respectivement 34% et 32%. Le Shift Project estime que la France pourrait tripler la part modale du mode ferroviaire si des investissements y étaient dédiés.

Mutualiser le dernier kilomètre de livraison

Le think tank estime qu’une tonne transportée sur deux l’est sur moins de 50 km, et de surcroît par le biais d’une surreprésentation de véhicules utilitaires et de porteurs. Compte tenu du coût conséquent de la logistique du dernier kilomètre, de l’inefficience du compte propre(2) (75% des mouvements pour 25% du tonnage), des échecs à la livraison et des flux retour, la logistique urbaine souffre d’une faible efficacité énergie/carbone.

Un levier préconisé pour mutualiser la logistique urbaine consiste à organiser un réseau de centres de mutualisation urbains de proximité. En effet, le Shift Project estime que seuls 35% des flux de marchandises effectués en VUL et en camions légers, sur une distance inférieure à 50km, sont mutualisables. Ainsi, la mutualisation permettrait de réduire de 15% à 20% le trafic de VUL et de camions légers d’ici 2027.

Développer la cyclologistique

Appuyée par un récent plan national (voir notre dernier article), la cyclologistique constitue également un levier d’action proposé par le Shift Project. Pertinent en zone urbaine dense, pour assurer une livraison écologique rapide et sur de courtes distances, la livraison à vélo permet de diviser par 10 la consommation d’énergie pour une emprise au sol identique par rapport à un véhicule utilitaire. Le think tank estime que « seuls les déplacements en VUL sur une distance inférieure à 50km sont reportables vers la cyclologistique », soit 5,4% des véhicules/kilomètres.

Plusieurs étapes sont proposées afin d’encourager l’essor de la cyclologistique. En premier lieu, la création d’un « système vélocargo », c’est-à-dire la mise en place d’infrastructures adaptées et d’espaces logistiques urbains. Puis la sensibilisation à l’usage du vélocargo, pour une meilleure acceptabilité sociale. Le troisième axe ouvre le champ de la recherche vers les véhicules utilitaires à faible masse, par exemple sur la modularité du froid au sec. Les aides publiques ainsi qu’un contrôle des flux de véhicules motorisés les plus lourds sont également essentiels pour développer la cyclologistique.

La version finale du PTEF sera présentée en octobre 2021 et l’évènement de publication du rapport final devrait avoir lieu le 9 novembre 2021. En attendant, le think tank invite les acteurs économiques à contribuer aux travaux. En effet, une consultation est prévue pour consolider le rapport intermédiaire du volet fret, qui devrait être publié dans le courant du mois de juillet. D’ici là, des retours sont sollicités à l’adresse fret@theshiftproject.org.

(1) Accessible en replay sur leur chaîne Youtube https://www.youtube.com/watch?v=XnfiJv-JVIE

(2) Le compte propre correspond à la part du transport qui n’est pas effectuée par des entreprises de transport.

Sources :

https://theshiftproject.org/focus-sur-le-fret/

https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2021/06/Presentation_Travaux-FRET_20-mai-2021.pdf