Faire du e-commerce un modèle durable : c’est la motivation qui a poussé le gouvernement à demander une analyse complète comportant des propositions environnementales, sociales et économiques. La livraison du dernier kilomètre est identifiée dans ce rapport comme un maillon essentiel du fonctionnement du e-commerce mais aussi comme un gisement de pratiques plus vertueuses.

Le rapport du gouvernement intitulé « Pour un développement durable du commerce en ligne » est paru en février dernier. Réalisé par France Stratégie, le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) et l‘Inspection Générale des Finances (IGF), ce rapport retrace l’évolution du e-commerce, en quoi ce secteur bouleverse les secteurs du commerce et de la logistique, et évalue l’empreinte environnementale de ce secteur. L’étude donne des clés afin de « garantir un développement durable du commerce en ligne et des entrepôts logistiques et d’arrêter les conditions d’acceptation sociales, environnementales et économiques d’implantation des entrepôts utilisés par le commerce en ligne. »

Ce rapport très complet comporte un volet concernant les régulations fiscales à mener. Il accorde aussi une place au transport de marchandises et à la livraison du dernier kilomètre dans un contexte de développement d’un cercle plus vertueux du e-commerce.

Les activités de livraison sous tension

En France, ce sont 4 millions de colis qui circulent par jour, avec des pics à 10 millions en période de fête. Le dynamisme du marché du colis soumet la chaîne logistique à une triple tension :

  • Sur les prix : la banalisation de la livraison offerte complique la compréhension du vrai prix de la livraison par les consommateurs. Cette pratique très courante, incitée par les plus grands acteurs, pèse sur la marge des commerçants.

Le rapport préconise « l’obligation d’une facturation distincte de la livraison mentionnant son prix interdisant alors de fait l’affichage « livraison gratuite » ».

  • Sur les coûts : alors que la livraison pèse entre 20 et 25% du coût total de la chaîne logistique, les critères de qualité augmentent.
  • Sur l’emploi : « les ETP salariés relevant des activités de poste et de courrier ont ainsi crû de 205 % sur la période 2010-2018 », les coûts de livraison bas sont assurés par des emplois souvent précaires et peu rémunérés.

Une pression supplémentaire s’applique sur l’immobilier logistique. Bien que les activités logistiques représentent moins de 1% des surfaces artificialisées chaque année en France, la demande s’accélère. Le rapport pointe également les faiblesses du territoire, notamment la faible prise en compte de l’intermodalité, le mitage du territoire et la difficile réutilisation des friches.

Le transport comme élément différenciant entre e-commerce et magasin

Pour un produit donné, la principale différence de bilan d’émissions de gaz à effet de serre entre le commerce physique et l’e-commerce « repose sur les étapes finales d’entreposage et de distribution au consommateur. » La part de marché la plus conséquente du e-commerce repose sur des produits importés (textile, jouets, produits électroniques), ce qui alourdit leur empreinte carbone.

Quant au dernier kilomètre de livraison, le niveau d’occupation des véhicules et le type de motorisation sont rappelés comme constituant des critères majeurs dans les émissions de gaz à effet de serre. Or le bilan environnemental du commerce en ligne se trouve dégradé par plusieurs tendances :

  • L’éloignement croissant des entrepôts augmente les distances à parcourir
  • Les livraisons à domicile sont de plus en plus nombreuses, avec 85% des e-consommateurs qui choisissent ce mode de livraison. 68% optent pour les points relais, 28% pour le click & collect et 3% pour les consignes de retrait. Ce rapport public mentionne que la livraison à domicile « engendre des flux de transports massifs et contribue à l’engorgement urbain »
  • La fréquence d’achat en ligne augmente et le panier moyen diminue, traduisant la banalisation de l’e-commerce

Au-delà des émissions de gaz à effet de serre, le transport de marchandises émet des particules fines, et dégrade ainsi la qualité de l’air et la santé de la population. Or « à mesure que les délais de livraison raccourcissent (par exemple, de deux jours à un jour, voire à une heure), les émissions de CO2 et de particules fines (NOx) augmentent considérablement » par paquet livré. L’absentéisme du destinataire à la livraison ainsi que les retours ternissent le bilan environnemental du e-commerce. Le dernier kilomètre est par conséquent déterminant dans le bilan environnemental des livraisons de colis.

Livrer moins vite pour livrer plus vert

C’est pourquoi le rapport préconise d’« encadrer les livraisons du commerce en ligne réalisées par des véhicules à moteur thermique et encourager celles réalisées en plus de J+1 hors alimentaire et médical ». L’affichage du bilan carbone du choix de livraison permettrait notamment au consommateur de moduler son délai de livraison, et la livraison en point relais serait encouragée. Le rapport propose également d’engager les commerçants dans une réduction souhaitée des volumes d’emballages, l’optimisation de leur taille, « la suppression du plastique et l’utilisation de matériaux recyclés. »

Enfin, la mission préconise l’instauration d’un label « commerce en ligne durable » reconnu par l’État dans lequel les acteurs du transport de marchandises appartenant à la chaîne de valeur des plateformes seraient intégrés. En effet, les e-commerçants, quel que soit leur taille, pourraient prétendre à ce label et donc renforcer leurs exigences écologiques et sociales envers les prestataires de transport et de logistique.

La logistique urbaine constitue donc un élément clé dans le caractère durable du e-commerce. Afin de soutenir les acteurs du dernier kilomètre et d’accompagner l’essor de ce nouveau mode de consommation, l’intégration de la logistique dans l’aménagement territorial est essentielle sur les plans économiques, sociaux et environnementaux.

Au-delà des constats, ce rapport essentiel ouvre des pistes pour faire du e-commerce un secteur vertueux dans lequel la livraison trouve un rôle essentiel.