Les deux bandes dessinées « Le monde sans fin » et « les super héros de la supply chain » nous aident à mieux comprendre les sujets du dérèglement climatique et de la logistique du dernier kilomètre. De façon ludique mais aussi didactique, ces deux ouvrages nous apportent des clés pour construire une logistique urbaine plus durable. Décryptage…

« Ce qui est simple est toujours faux » disait Paul Valéry. Le dernier kilomètre n’est pas un sujet simple, notamment quand on l’approche en prenant en compte les thématiques du dérèglement climatique et de la supply chain. Mais Paul Valéry complétait sa phrase par « ce qui ne l’est pas est inutilisable ». Pour que ces sujets soient appropriés par tout un chacun, un travail de simplification s’impose.

Publiée en décembre 2021, « Le monde sans fin » est une bande dessinée écrite en collaboration entre le dessinateur Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici, fondateur du think tank « The Shift Project » qui « œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone ». Elle vise à vulgariser les sujets énergétiques et écologiques, et dans quelle mesure notre économie est dépendante des énergies fossiles. Le coût d’achat des énergies dites « primaires », qui sont disponibles dans la nature comme le charbon, le pétrole et le gaz, représentent moins de 5% du PIB à l’échelle mondiale. Pourtant, de nombreuses entreprises de transport du dernier kilomètre dépendent essentiellement de ces ressources pour fonctionner. Que deviendraient-elles sans électricité, ni carburant ou gaz ?

Un camion = 4000 paires de jambes

De manière ludique, la BD « Le monde sans fin » rappelle que notre société, il y a 300 ans, reposait sur les énergies renouvelables. Les charrettes et charrues tractées par les animaux ont été remplacées par des camions et des tracteurs.

En 1860, alors que le bois sert à se chauffer et à alimenter les machines à vapeur, le charbon commence à être utilisé et il est toujours bien présent avec en moyenne 5000kWh mobilisés par terrien chaque année. Or c’est l’énergie qui produit le plus de CO2 par kWh. L’arrivée du pétrole s’est ajoutée au bois et au charbon en présentant de nombreux avantages : facile à transporter et à stocker.

L’ensemble des objets utilisés quotidiennement sont dérivés du pétrole et sont transportés sur de longues distances, fabriquées en usines… « sans énergie, et sans machines, ce n’est pas 3% du PIB que tu vas perdre… c’est la fin des banques, la fin du réseau d’eau, la fin des transports, des hôpitaux… tout notre monde moderne en dépend ».

Notre dépendance au pétrole s’explique par son incroyable rendement. Un camion déployant 400kW d’énergie équivaut à 4000 paires de jambes ! Sans énergie abondante, il n’est pas certain que nous aurions pu transporter des produits alimentaires vers les consommateurs. Le dernier kilomètre dépend de l’énergie…

Sommes-nous des héros ou des fous ?

Jean-Philippe Guillaume, en partenariat avec le dessinateur Simon Leroux, nous retrace, dans la toute nouvelle BD « Les super héros de la supply chain », la diversité des métiers et l’importance de tous ceux qui, quotidiennement, agissent pour que ces produits de consommation soient acheminés dans les rayons des magasins ou parviennent à notre domicile. « Toutes ces livraisons de n’importe quoi, chez n’importe qui, n’importe quand, cela fait beaucoup de camions dans les rues… ».

Jean-Marc Jancovici, comme Jean-Philippe Guillaume ne nous incitent pas à nous priver de ce que nous aimons. Mais ils nous encouragent à mieux raisonner, à nous poser les bonnes questions. « Et si on utilisait le même transporteur puisque l’on va au même endroit ? » nous propose Jean-Philippe Guillaume.

Sur le même registre, Jean-Marc Jancovici refuse la culpabilisation du consommateur. Il propose de rapprocher la production des consommateurs, afin de réduire les transports. Il incite à prendre un peu plus de temps dans nos actions quotidiennes, et à favoriser les magasins de proximité.

L’ennemi, c’est la vitesse. « Si tu fais tout à la dernière minute, c’est le b… » nous dit Jean-Marc Jancovici. La livraison du dernier kilomètre répond aux mêmes contraintes. Jean-Philippe Guillaume nous dit que la seule solution de désengorger les villes, « c’est de créer des espaces logistiques urbains pour organiser la distribution avec des petits véhicules propres, respectueux de l’environnement ». C’est donc ça la livraison écologique

Haro sur le digital ou héros digitalisé ?

Les flux d’informations ne remplacent pas les flux de marchandises. Aujourd’hui, « les émissions de CO2 dues au digital sont équivalentes à celles de toute la flotte mondiale de camions » nous explique Jean-Marc Jancovici. Jean-Philippe Guillaume nous rassure : « ce n’est pas demain que le sympathique chauffeur-livreur cèdera sa place à une machine dépourvue de la moindre humanité ».

Toutefois, la BD « Le monde sans fin » nous rappelle que les 35 millions de tonnes de pétrole consommées par an en France pour les transports se retrouvent pour 17% dans les Poids-Lourds et 18% dans les véhicules utilitaires légers, qui servent pour le dernier kilomètre.

Il y a donc urgence, comme le propose Jean-Philippe Guillaume, à prendre des dispositions radicales en mutualisant mieux les flux et en réorganisant les flux de marchandises en ville.

Les super héros de la supply chain
Dahouet & Cie
Jean-Philippe Guillaume et Simon Leroux

Le monde sans fin
Editions Dargaud
Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain