L’essor du e-commerce et notamment la plateformisation impacte directement les flux logistiques en zone urbaine. Face à cette pression, il convient de mettre en place une gouvernance afin d’améliorer le caractère vertueux du système logistique.

Le 10 mars dernier s’est tenue une table ronde organisée par Sciences Po sur les enjeux de gouvernance de la logistique urbaine à l’ère du numérique. L’e-commerce bouscule plusieurs angles de la logistique urbaine dont l’occupation des espaces publics, l’emploi, l’immobilier, et la montée en puissance de grands acteurs du numérique. La table ronde visait à identifier les leviers à activer afin d’anticiper les dérives potentielles.

L’e-commerce impacte les territoires

L’e-commerce, par son accessibilité, présente de nombreux avantages, comme la possibilité de réaliser des achats tous les jours et à toute heure, mais détache le consommateur de la chaîne logistique et des flux physiques réels induits. Ce phénomène est accentué par les messages de « livraisons gratuites », qui ne valorisent pas les activités de livraison urbaine.

Or les livraisons se sont démultipliées depuis les années 2000 et continuent à connaître une forte croissance. Nicolas Raimbault, maître de conférences à l’Université de Nantes, estime que l’e-commerce a besoin de trois fois plus d’espaces de stockage que le commerce physique. Pour accompagner son essor, et donc le développement des activités logistiques, il faut alors créer des lieux physiques, propices à la consolidation des flux. Concernant la livraison, l’utilisation du vélo ne pourra connaitre un essor que s’il y a des espaces sanctuarisés dédiés. En effet, la cyclologistique ne permet d’assurer que de la livraison de proximité.

Transition numérique et plateformisation

La transition numérique est un moteur du développement des activités logistiques, ce qui favorise la création d’emplois. Mais la plateformisation du numérique peut aussi provoquer des impacts néfastes.

Nicolas Raimbault rappelle que les plateformes qui proposent la livraison de produits alimentaires et de repas sont réalisées par des livreurs indépendants. Or les nouvelles plateformes se confrontent à une forte concurrence, alors que les prix pratiqués étaient déjà très bas.

Ainsi, la régulation des travailleurs indépendants soulève des enjeux de réglementation locale et d’aménagement de voirie. Comment améliorer la sécurité routière face à la multiplication des deux-roues motorisés, qui constituent dorénavant, dans les grandes métropoles, le mode de transport le plus utilisé pour les livraisons instantanées ? Une solution consisterait à soutenir les plateformes alternatives créées sous un format coopératif. Par ailleurs, le statut d’autoentrepreneur livreur indépendant s’intègre mal dans les catégories de l’INSEE (code CSP). Les données sur ces emplois restent encore mal connues.

Selon Laetitia Dablanc, directrice de recherche à l’Université Gustave Eiffel, la croissance phénoménale des flux logistiques plateformisés est observée partout dans le monde. Ainsi, le profil d’un livreur indépendant en France est identique à celui d’un livreur brésilien. La chercheuse a également souligné une convergence intéressante des demandes sociétales : les habitants en zone urbaine souhaitent une amélioration de leur qualité de vie.

L’emprise sur l’espace public

Si la réglementation des plateformes reste encore à construire, celle qui concerne l’espace public existe avec plusieurs axes : le stationnement, la circulation, mais aussi l’impact des véhicules sur la pollution.  Les villes françaises ont choisi une approche différente de celle d’autres villes européennes et mondiales. En effet, les solutions mises en œuvre sont hétérogènes sur l’hexagone. Par exemple, les systèmes de contrôle dans une zone à faibles émissions (ZFE – donc nous avons parlé lors d’un précédent article) sont très différents en France par rapport au Royaume-Uni, pays dans lequel les contrôles sont réalisés par caméras scannant les plaques d’immatriculation. Le délai d’approbation et les contraintes imposées par la CNIL pour l’installation de ce système de contrôle constitue une raison de leur faible déploiement en France dans l’immédiat.

Afin d’améliorer les conditions de circulation des flux de marchandises en ville, il faut en premier lieu les connaitre. Le relevé des flux et de leurs typologies constitue la donnée d’entrée indispensable pour les collectivités. En s’en emparant, chaque territoire peut alors déployer les mesures adaptées. Une difficulté à surmonter reste la distinction entre les véhicules qui livrent par rapport aux autres.

La collecte de données plus précises sur les emplois de la logistique et sur les flux de marchandises constitue un enjeu majeur afin de mettre en place une gouvernance adaptée dans les centres urbains.

Une gouvernance d’un plan d’action logistique urbaine

La connaissance des flux, mais aussi un diagnostic territorial constituent un préalable à la co-construction, avec les acteurs économiques du territoire, d’un plan d’action cohérent sur la logistique urbaine. Mais ce plan d’action, qui peut se décliner en charte, nécessite un portage politique et une gouvernance au plan local.

Cette gouvernance assurera alors une cohérence entre les actions proposées, la réglementation locale et les orientations inscrites dans les documents d’urbanisme. Elle permettra de mettre en œuvre les actions qui auront été identifiées et d’en vérifier la pertinence en fonction des besoins du territoire et de leurs impacts environnementaux.