La cyclologistique connait un développement sans précédent, rendu possible par des actions volontaristes des acteurs publics et des opérateurs. Mais la pérennité de ce mode de livraison du dernier kilomètre nécessite des efforts au plan local et une structuration du métier.
La livraison en vélocargo fait l’objet de toutes les attentions. Le ministère de la transition écologique lui consacre un plan national[1]. Un projet de développement de la filière dénommé Cyclocargologie, porté par l’association les Boîtes à Vélos, a été retenu dans le cadre de l’appel à programmes des certificats d’économie d’énergie. La filière dispose dorénavant d’une fédération professionnelle.
Ces efforts, souvent relayés par nombre d’élus qui mettent en avant ce mode de transport vertueux, portent-ils déjà leurs fruits ? Quelles sont les tendances et les freins à son développement ?
Un vélocargo pour quels usages ?
Le vélocargo a une histoire de plus d’un siècle mais a finalement assez peu évolué. Plusieurs typologies de matériels sont disponibles en fonction des usages, des produits livrés, de la vitesse, mais aussi du territoire de livraison. Le premier modèle est celui du triporteur, avec une caisse réduite à l’avant, ou plus importante si celle-ci est à l’arrière. Elle peut alors contenir jusqu’à 2 m3 de marchandise, soit presque autant qu’une fourgonnette, donc la capacité est en général de 3 m3. Mais ce type de matériel est nécessairement lent, de l’ordre de 15 km/h. Un second modèle, plus rapide, est celui du biporteur, avec une caisse centrale. La caisse centrale est nécessairement de dimension plus réduite, en général de moins de 1m3. Enfin, le troisième segment est celui des remorques, avec ou sans assistance électrique, qui peuvent être accrochées à des vélos, mais aussi à des biporteurs.
Cette complexité de l’offre se retrouve dans le nombre de fabricants. La dernière étude de l’association Les Boîtes à Vélos[2] recense pas moins de 37 fabricants en France, qui, d’après cette étude, ne captent que 22% du marché, l’essentiel des vélocargos vendus provenant de constructeurs britanniques, allemands, néerlandais ou danois. En intégrant les vélocargos familiaux, le marché est de 33 000 véhicules[3].
Ce marché, qui connait une croissance de près de 100% par an, représente déjà, en nombre, près de 10% de celui des véhicules utilitaires légers. Cette part de marché est donc déjà significative.
Les vélocargos professionnels sont essentiellement utilisés pour les livraisons de colis, notamment liés au e-commerce. Mais ils sont aussi souvent utilisés pour les livraisons de produits alimentaires, notamment au départ des commerces de proximité. Certains modèles permettent d’effectuer des livraisons du dernier kilomètre de produits plus volumineux, comme des colis encombrants ou des palettes. Lors d’une récente conférence sur la SITL 2023, le grossiste en boissons Milliet indiquait que toutes ses livraisons jusqu’à 200 kg sont livrées en vélocargo dans Paris intramuros et même au-delà. Les livraisons en vélocargos ne se limitent ainsi pas seulement aux petits colis.
La cyclologistique est une forme de livraison de proximité. Elle est naturellement bien adaptée aux zones urbaines denses. Leur développement est ainsi très visible dans les centres des grandes métropoles, à Paris, mais aussi à Lyon, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes ou Montpellier. Les contraintes horaires strictes de livraison dans les zones piétonnes favorisent le développement de ce mode de livraison écologique.
3 principaux freins à lever
Etant un mode de transport d’hyper-proximité, le vélocargo nécessite un point de départ rapproché. D’où la nécessité de mailler les territoires urbains d’espaces logistiques de proximité, qui permettront alors au livreur d’effectuer plusieurs tournées par jour et d’atteindre la capacité quotidienne d’un véhicule utilitaire. C’est là le premier frein lié à la disponibilité de ces espaces, mais aussi à leur coût et à leur acceptation auprès des habitants.
Le second frein est opérationnel. Ce mode de transport nécessite de structurer des cursus de formation afin d’en faire un métier. Circuler dans un espace urbain en vélocargo n’est pas toujours simple. Les aléas sont nombreux et les espaces publics pas nécessairement adaptés à ce mode de transport. Les conditions météorologiques impactent aussi la qualité du travail et nécessitent des équipements, des formations. Les vélocargos sont mieux adaptés à des zones urbaines avec peu de déclivité qu’aux quartiers ou villes caractérisés par des pentes très marquées.
Enfin, les élus, qui plébiscitent ce mode de livraison, doivent prendre conscience que la ville doit s’adapter afin d’accueillir ces nouveaux véhicules. La qualité de la voirie doit être améliorée, ainsi que la largeur des pistes cyclables et le stationnement. C’est là un vaste chantier visant à mieux intégrer ce mode de livraison dans l’espace urbain.
La cyclologistique, indispensable afin de décarboner la livraison du dernier kilomètre, se trouve au début d’une nouvelle ère. Elle a connu ses heures de gloire dans les années 1950 et retrouve depuis quelques années la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre. La pérennité de son développement dans les grandes villes dépendra beaucoup des moyens déployés afin de permettre aux opérateurs de stabiliser des modèles économiques.
[1] Plan national pour le développement de la cyclologistique
[2] Enquête sur l’industrie française du vélo-cargo : miser sur une filière d’avenir
[3] Source : observatoire du cycle 2022