L’immobilier constitue un maillon indispensable dans une chaîne de logistique urbaine décarbonée. Mais il revêt de multiples formes pour répondre à la diversité des usages. La croissance accélérée du e-commerce dans le contexte actuel de pandémie ne fait que renforcer ce besoin de maillage du territoire urbain en espaces logistiques.

Les espaces logistiques urbains permettent d’accompagner la logistique du dernier kilomètre dans la décarbonation du transport. Face à l’essor du e-commerce, générateur de flux fragmentés livrés en tournées mais aussi de livraisons instantanées sans mutualisation, ces hubs permettent de réduire les externalités négatives dues au transport de marchandises.

Dominant le marché du e-commerce en Europe[1], le Royaume-Uni a maillé ses centres-villes d’espaces logistiques urbains. Les 29 sites recensés à Londres présentent de nombreux avantages : réduction des distances totales parcourues, diminution des déplacements à vide, gain en efficience et en taux d’occupation des véhicules. Ces espaces permettent de réduire le nombre de véhicules utilisés et contribuent ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de particules fines. Des études de cas ont également démontré une réduction du coût des opérations grâce à l’économie de carburant.[2] Il existe une multitude de formes et d’usages d’immobilier logistique urbain, et de nouveaux modèles apparaissent.

Des espaces hiérarchisés

Avant d’arriver en espace logistique de quartier, les marchandises ont transité par plusieurs plateformes intermédiaires. En premier lieu, les plateformes logistiques métropolitaines ou régionales, les plus conséquentes en surface exploitable mais également éloignées de la zone dense urbaine, assurent des fonctions de massification et de stockage. Les marchandises y sont principalement acheminées par voie routière.

Plus petits, les plateformes de messagerie et les espaces logistiques de proximité permettent de consolider les flux. Les plateformes de messagerie, généralement situées sur les rocades urbaines, massifient les approvisionnements par camions ou modes alternatifs. Leurs surfaces varient en général de 1000 à 5000 m². Elles consolident les flux afin d’assurer la distribution en véhicules de livraison, qui seront progressivement électriques ou au GNV. Généralement exploitées par des messagers, expressistes ou transporteurs du dernier kilomètre, les plateformes de messagerie assurent une fonction de transit. Les espaces logistiques de proximité (ELP) sont quant à eux situés en bordure ou dans l’hypercentre. Leurs surfaces varient entre 300 et 3000m². Assurant également une fonction de transit et éventuellement de stockage de proximité, les ELP permettent aux transporteurs et acteurs de la livraison du dernier kilomètre écologique de livrer sur une zone de proximité en véhicules « doux » (électrique, GNV), en vélocargo et même à pied.

Enfin, les espaces logistiques de quartier (ELQ) assurent une fonction de distribution, livraison et retrait, d’un quartier. Leur surface est plus restreinte, entre 50 et 150m². Il peut par exemple s’agir de drive piétons, détenus en propre par des groupes de retail ou de points relais. Les transporteurs, e-marchands ou encore les acteurs de la foodtech peuvent également occuper de tels espaces afin d’assurer la livraison du dernier kilomètre en modes doux et en un délai court.

Trouver des espaces logistiques en zone urbaine dense caractérisée par un prix de foncier élevé s’avère toutefois complexe, comme abordé dans un précédent article. De nouvelles formes d’espaces logistiques urbains apparaissent.

Des espaces logistiques intégrés

Les enseignes de distribution intègrent désormais la problématique de la logistique urbaine dans leurs projets immobiliers. C’est le cas par exemple de METRO qui a développé un immeuble logistique de proximité dans le 7ème arrondissement de Lyon. 5000m² en sous-sol seront dédiés au stationnement et à des activités logistiques pour la livraison du dernier kilomètre. Les opérations de chargement et de déchargement seront effectuées à l’intérieur du bâtiment pour limiter la pollution sonore. La production de la ferme urbaine sur le toit permettra également de proposer des aliments en circuit court.

L’essor du e-commerce pousse les acteurs du retail à transformer la fonction première de leurs magasins en développant des fonctions omnicanales. De nombreuses enseignes y aménagent des mini-entrepôts, parfois automatisés, afin d’y traiter des commandes e-commerce qui peuvent être livrées en quelques heures. Idéalement localisés en centre-ville, ces « dark stores » se transforment en espaces logistiques de quartier d’où partent les livreurs en véhicule, en vélocargo ou à pied.

Rassembler plusieurs activités au sein d’un même bâtiment constitue une solution prospective pour la logistique urbaine. C’est notamment le concept d’hôtels logistiques urbains. Généralement situés en périphérie des villes, à proximité des grands axes routiers, ils assurent les mêmes fonctions que les plateformes de messagerie mais peuvent accueillir plusieurs acteurs de la livraison du dernier kilomètre en optimisant le foncier.

Un pas vers la multimodalité

Les nouvelles générations d’espaces logistiques urbains sont également de plus en plus pensées pour faciliter le report modal de la route vers d’autres modes de transport, notamment le fluvial. C’est le cas du futur hub logistique XXL « Amsterdam Logistic Cityhub » de Vrolijk, 220 000m² de surface de plancher sur plusieurs étages, qui ouvrira ses portes fin 2022. Son implantation permettra de rejoindre le centre d’Amsterdam en 7 minutes en bateau.[3]

A Strasbourg, un ancien entrepôt désaffecté du port a été réhabilité afin d’y accueillir des activités logistiques. Chaque jour, des marchandises transitent sur une barge jusqu’au centre-ville qu’il est possible de rallier en 27 minutes. Des déchets d’emballages sont ramenés à l’entrepôt afin d’éviter les retours à vide.[4]

L’identification d’espaces en zones urbaines contraintes peut être difficile et les activités logistiques restent mal acceptées par la population. L’intégration en amont d’espaces logistiques urbains dans la programmation immobilière constitue donc un levier pour réduire les impacts sonores et visuels. L’immobilier logistique contribue à l’amélioration de l’efficience du transport de marchandises et peut faciliter le report modal. Il constitue alors un outil pour permettre la transition énergétique.


[1] Le Royaume-Uni représente à lui seul près du tiers du chiffre d’affaires e-commerce de l’ensemble du continent – source Ecommerce Europe

[2] The potential for Urban Logistics hubs in Central London – Cross river partnership & REER – Dec 2020

[3] https://www.amsterdamlogisticcityhub.nl/

[4] https://www.lantenne.com/Strasbourg-quand-le-port-se-met-au-service-de-la-ville_a55108.html