La livraison urbaine dans les villes moyennes fait face à des situations diverses, mais aussi à des difficultés du fait d’une densité urbaine moindre que dans les métropoles. Toutefois, les villes dites « moyennes » prouvent qu’elles peuvent jouer un rôle majeur dans l’innovation et la décarbonation du transport.

L’Insee attribue le qualificatif de « ville moyenne » à des villes dont la population est comprise entre 20 000 et 100 000 habitants.[1] Mais est-il pertinent de restreindre la définition d’une ville moyenne à sa démographie ? A l’occasion des vœux du think thank La Fabrique de la Cité le 25 janvier dernier, des débats sur la définition de la « ville moyenne » ont été initiés. Ce qui ressort de ces échanges, c’est que la notion de ville moyenne dépend de ce qu’en font les habitants, les élus et les acteurs économiques. Ce sont les fonctions de centralité qui construisent les villes moyennes, plutôt que leur démographie. « La ville moyenne, c’est la ville facile : plus d’embouteillages, le stationnement est facile, le logement plus grand avec plus de confort et moins cher, mais avec le wifi et des équipements, l’accès à la culture… », indique à cette occasion François-Xavier Priollaud. Or la notion de confort sous-entend des attentes de services de proximité, impactant nécessairement la logistique urbaine.

Ainsi, les villes moyennes sont confrontées à des problématiques proches de celles des grandes métropoles en termes de logistique urbaine. Cela concerne les conditions d’accès des véhicules de livraison à l’hypercentre, les opérations de livraisons ou d’enlèvements dans un contexte parfois contraint. Pourtant, bien qu’il soit source d’externalités négatives, le transport de marchandises en ville constitue une fonction indispensable au fonctionnement de ce territoire et contribue à la dynamique du tissu économique local.

Effets de débordement vs Métropolisation

Deux discours s’opposent : l’un affirmant que les villes moyennes sont en déclin au profit des grandes métropoles, l’autre assurant qu’elles connaîtront un rebond dans la suite de la crise sanitaire et du développement du télétravail. Selon la Fabrique de la Cité, ces deux discours ne sont ni vrais ni faux, le contexte étant disparate selon les territoires. Plus une ville, qu’elle soit petite ou moyenne, est proche d’une grande métropole, et moins sa population décline grâce aux effets de débordement de l’expansion métropolitaine.[2] Ces villes moyennes limitrophes peuvent donc bénéficier de la présence d’acteurs majeurs de la livraison du dernier kilomètre, attirés par le bassin de consommation, ainsi que des initiatives de logistique urbaine écologique qui auront été incitées par les réglementations des grandes métropoles.

Cependant, la métropolisation ainsi que l’extension de la grande distribution et du commerce de périphérie impactent fortement le dynamisme du commerce situé en centre-ville.[3] Dans un contexte où la vacance commerciale et l’étalement urbain caractérisent de nombreuses villes moyennes, il devient de plus en plus difficile pour les acteurs de la livraison du dernier kilomètre, dans les villes moyennes, d’optimiser l’occupation des véhicules et les distances à parcourir.

Des territoires d’expérimentations

Alors qu’un certain retard est constaté dans de grandes métropoles sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, les villes moyennes expérimentent des solutions de livraison innovantes.

En l’absence d’un maillage suffisant de points relais, les solutions de livraisons hors domicile automatisées constituent une opportunité pour accompagner le développement du e-commerce. Le réseau landais indépendant Consignes H24 a installé sa 1ère consigne à Dax (environ 20700 habitants). Cette solution permet aux e-acheteurs de retirer leurs colis 24 h sur 24, 7 jours sur 7. Tous les opérateurs de livraison de colis peuvent y déposer des colis. Le consommateur renseigne l’adresse de la consigne au moment de sa commande en ligne et reçoit une alerte sur son smartphone lorsque la livraison a été effectuée. Il règlera 1€ sur le terminal de paiement pour pouvoir retirer son colis.

Certaines villes moyennes ont su tirer parti des atouts de leur territoire pour le développement d’initiatives de logistique urbaine. La Rochelle par exemple, dans le cadre du projet de quartier bas carbone ATLANTECH (27 ha en plein centre-ville, sur une ancienne base militaire), a intégré des solutions décarbonées de livraison du dernier kilomètre grâce à une flotte de vélos, triporteurs et de véhicules à hydrogène. Cette flotte sera mise à disposition en location auprès des professionnels et comprendra les services de maintenance et le carburant.[5]

Les projets de cyclologistique sont également déployés sur l’ensemble de l’hexagone, au-delà des grandes métropoles. Pop Messengers à Avignon, les Triporteurs de l’Ouest à Saint-Malo et à Pau, Feel à vélo à Lorient, Taco and co à Arles … Les initiatives de livraisons urbaines en cyclologistique sont nombreuses et complètent les offres logistiques existantes pour apaiser les centres urbains.

Enfin, face au manque de services logistiques, les acteurs des villes moyennes développent des initiatives d’économie sociale et solidaire. BipPop, à Compiègne, permet d’apporter des services bénévoles auprès des personnes âgées et handicapées, comme la livraison de produits alimentaires ou de colis.

« Moyennes » par leurs tailles mais non par leurs actions, les villes moyennes sont donc en capacité d’insuffler une dynamique logistique semblable à celle des grandes métropoles.  Perçues comme étant plus résilientes face aux défis climatiques,[6] elles ont un rôle indispensable à jouer pour la transition énergétique de la logistique urbaine.


[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/1380883

[2] https://www.lafabriquedelacite.com/publications/le-rebond-des-villes-moyennes-une-realite-une-perspective-europeenne-sur-les-trajectoires-des-villes-moyennes/

[3] P. 27 – https://tnova.fr/system/contents/files/000/001/421/original/Terra-Nova-22062017_-_Logistique__marchande.pdf?1522079465

[5] https://conseils.xpair.com/actualite_experts/premier-quartier-urbain-bas-carbone-rochelle-atlantech.htm

[6] https://www.ifop.com/publication/enquete-dopinion-aupres-des-habitants-des-villes-moyennes/