Les promesses de livraison instantanée des acteurs du quick commerce posent la question du modèle de la livraison à domicile. La vitesse correspond-elle à un besoin ? A-t-elle un impact environnemental ? Comment concilier exigences du consommateur et livraison écologique ?

Dans les grandes métropoles, les publicités alléchantes de courses alimentaires livrées en seulement 10 ou 15 minutes rivalisent d’imagination pour attirer l’attention du consommateur. L’étude récemment publiée par l’APUR[1] comptabilise plus de 80 dark stores à Paris et en proche périphérie.  Ces lieux de stockage de proximité sont exploités par une dizaine d’enseignes de quick commerce, notamment Cajoo, Flink, Frichti, Getir, Gorillas et Dija. Certaines de ces sociétés ont noué des partenariats avec des enseignes de la grande distribution. C’est ainsi le cas de Carrefour avec Cajoo et de Casino avec Gorillas.

Ces nouvelles formes de livraisons de produits alimentaires rapides, effectuées en vélo ou en scooter, avec un modèle social souvent fragile, interpellent. Les consommateurs sont-ils réellement demandeurs de ces services ? Sont-ils prêts à en payer le vrai prix ?

Quelles attentes des consommateurs en matière de livraison ?

Publiée en octobre dernier, l’étude IFOP – Star Service sur les attentes des consommateurs en matière de livraison[2] nous apprend que 77% des cyberconsommateurs préfèrent une option de livraison sur rendez-vous respecté (préférablement un créneau de livraison de 2h) plutôt qu’une livraison express dans l’heure. De plus, 73% des personnes interrogées se disent intéressées par des options de livraison responsables.

Pourtant, toujours selon cette étude, la livraison à domicile ou sur le lieu de travail reste le mode de livraison privilégié par les cyberconsommateurs urbains pour 57% des personnes sondées. La livraison en points relais et en consignes constituent le mode de livraison principal respectivement pour 25% et 9% des sondés. Par ailleurs, la sensibilité des e-consommateurs en termes de RSE est réelle, puisque 73% des répondants sont intéressés par des modes de livraison écologique et près d’un tiers seraient disposés à payer plus cher pour en bénéficier.

La vitesse est-elle la solution ?

Des journalistes ont qualifié le quick commerce de commerce de la paresse. Les consommateurs n’accepteraient plus de se déplacer pour leurs achats. Ceci est d’autant plus surprenant que ces enseignes privilégient des livraisons dans les cœurs des grandes agglomérations, qui sont bien maillés en commerce de proximité. Cette vitesse généralisée, même si elle est dans certains cas nécessaire (par exemple pour livrer des produits de santé ou des pièces détachées automobiles), est pourtant à l’origine de nombreux maux, mis en exergue par plusieurs sociologues : impact sur les émissions de Gaz à Effet de Serre, augmentation de la sédentarité et effets sur la santé.[3]

Cette prise de conscience de la vitesse de livraison et de son impact environnemental apparaît dans plusieurs contributions publiques. C’est ainsi le cas du récent rapport publié par France Stratégie sur la prospective 2040 – 2060[4] qui propose d’instaurer une taxe sur les livraisons express : « Faire payer la livraison, et en particulier la livraison express, à un tarif incluant son impact environnemental, notamment en matière d’émissions de CO2, serait un moyen efficace de réguler le comportement des consommateurs et de l’amener vers davantage de sobriété ». Cette proposition fait écho aux engagements pris par des e-marchands dans le cadre de la charte pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne[5] dont nous avons parlé dans un précédent article. Un des engagements de cette charte consiste à offrir au consommateur la possibilité d’identifier les produits du catalogue au meilleur bilan environnemental.

La livraison à domicile a été imaginée en 1870 par Félix Potin. Un siècle et demi plus tard, elle correspond toujours à un service nécessaire aux consommateurs, notamment pour les achats alimentaires hebdomadaires, du fait de leur volume.

Mais l’immédiateté de la livraison proposée par les acteurs du quick commerce est récente. Cette immédiateté ne permet pas à un transporteur d’organiser des tournées optimisées. La livraison la plus écologique est nécessairement celle qui peut être anticipée et organisée. Les véhicules, de plus en plus souvent au GNV ou électriques, sont alors saturés et mieux optimisés.


[1] https://www.apur.org/fr/nos-travaux/drive-pietons-dark-kitchens-dark-stores-nouvelles-formes-distribution-alimentaire-paris

[2] https://www.ifop.com/publication/les-attentes-des-consommateurs-en-matiere-de-livraison-2/

[3] Pour en finir avec la vitesse, Tom Dubois, Christophe Gay, Vincent Kaufmann, Sylvie Landriève, éditions de l’Aube, 2021

[4]PDF Prospective 2040-2060 des transports et des mobilites – rapport de synthèse – février 2022.pdf

[5]PDF Charte d’engagements pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne