Les arrêtés régissant la circulation de marchandises en ville constituent une contrainte mais aussi un levier dans la mise en œuvre de pratiques vertueuses de logistique urbaine. Leur accessibilité, leur clarté ainsi que leur élaboration en concertation avec les parties prenantes est une recette gagnante.

L’optimisation de la logistique urbaine est souvent associée à deux leviers incontestables, qui viennent naturellement à l’esprit : la motorisation des véhicules et la mutualisation des flux. Pourtant, deux autres axes d’améliorations sont indispensables afin d’améliorer l’efficience du dernier kilomètre de livraison : l’ouverture des données par les collectivités et la réglementation locale.

L’analyse des arrêtés par les transporteurs et les logisticiens leur permet de mieux organiser leurs tournées, en s’adaptant aux contraintes de chaque territoire. Ils diminuent également le risque de pénalités financières, notamment lorsque les villes sont équipées en caméras de surveillance et leur permettent d’effectuer leurs opérations en toute sécurité.

Faciliter l’accès aux réglementations

Les arrêtés municipaux sont des actes administratifs publics (Articles L300-1 à L351-1 du code des relations entre le public et l’administration) et toute personne physique ou morale a le droit de les demander et de les publier. Les arrêtés régissant les livraisons ne sont toutefois pas systématiquement accessibles en ligne, ce qui peut rendre difficile leur consultation.

C’est dans ce contexte que le projet B.A.C. IDF (Base de données des Arrêtés Circulation et de stationnement en Ile-de-France) a été retenu dans le cadre de l’AMI Fret & Logistique 2020 Île-de-France. Soutenu par la région, le projet B.A.C. IDF a pour objet de concevoir, développer et exploiter une plateforme numérique centralisant les arrêtés circulation et stationnement des 1268 communes de la région Île-de-France. Les communes sont invitées à déposer en ligne leurs arrêtés régissant les livraisons de marchandises, tant sur les aspects de circulation que de stationnement. A terme, la plateforme mettra à disposition en temps réel l’ensemble de ces données, sous une forme exploitable par des systèmes tiers dans une démarche « ouverte ».

L’objectif d’une meilleure connaissance (et en conséquence application) des réglementations locales participe aux démarches d’optimisation des flux de livraisons de marchandises et de réduction des émissions de polluants locaux. Il participe aussi à la réduction de l’accidentologie. Ce projet ouvre également la voie vers le partage des bonnes pratiques et l’harmonisation des documents réglementaires afin d’en simplifier la lecture et l’application.

Harmoniser les arrêtés

En France, la réglementation qui régit le transport de marchandises est définie par les communes, à l’exception des grandes métropoles de Paris et Lyon où la préfecture est responsable de cette compétence. La multiplicité des acteurs fait que les terminologies utilisées diffèrent d’un arrêté à l’autre pour définir la même chose. Le rapport du CERTU (désormais CEREMA) de 2009 sur les livraisons en centre-ville dénombre ainsi 46 terminologies différentes pour désigner un véhicule de livraison et 26 pour désigner les aires de livraison sur l’échantillon des arrêtés analysés de 50 villes.

Afin de rendre les arrêtés compréhensibles par tous et d’homogénéiser les terminologies, il est donc recommandé aux collectivités de s’appuyer sur le code de la route. La bonne distinction entre « arrêt » et « stationnement » constitue par exemple un enjeu clé sur les aires de livraison à usage partagé pour les acteurs du dernier kilomètre de livraison. Ces espaces sont malheureusement trop souvent occupés par des véhicules particuliers, générant alors des stationnements en double-file.

C’est pourquoi la mise en place d’un contrôle efficace est nécessaire pour la bonne application des réglementations locales. La formation des agents de la police municipale aux enjeux de la logistique urbaine peut par exemple permettre d’assurer une meilleure utilisation des aires de livraison et réduire les stationnements illicites pour ces opérations.

Des réglementations incitatives

Les métropoles ont toutes la volonté d’agir afin d’améliorer la qualité de l’air dans les zones urbaines. La logistique urbaine peut contribuer à cette démarche. Toutefois, l’acquisition de véhicules aux motorisations alternatives au diesel a souvent pour les entreprises des conséquences économiques, ceci malgré les nombreuses aides d’Etat et régionales mises en place.

Précisées dans la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), les Zones à Faibles Emissions (sujet qui a été abordé dans un précédent article) permettent de restreindre l’accès aux centres-villes aux véhicules propres et ainsi de réduire les émissions de polluants locaux. Dans ce cadre, la Métropole du Grand Paris interdira depuis le 1er juin 2021 la circulation des véhicules classés Crit’air 4 et 5 à l’intérieur de l’A86. Ce dispositif contraignant est mis en place à Paris, mais aussi dans une dizaine d’autres métropoles. Les autres collectivités peuvent par exemple inciter au développement de la livraison écologique en élargissant les créneaux horaires de livraison aux véhicules « doux » (électriques, au GNV ou cyclologistique) dans les centres urbains. Une telle mesure incitative permet aux transporteurs qui font ces choix d’équipement de bénéficier de plus de flexibilité dans l’organisation de leurs tournées.

Les arrêtés traitent également souvent des gabarits de véhicules autorisés à circuler sur un périmètre donné. Ainsi, la ville de Paris interdit depuis le 31 décembre 2020 la circulation des véhicules dont la longueur est supérieure à 16,5m et restreint la circulation de ceux situés entre 12m et 16,5m entre 22h et 7h du matin. Une telle mesure incite les transporteurs à mieux consolider les flux et à réaliser certaines opérations de livraison la nuit, en dehors des heures de pointe.

Chaque territoire urbain a ses propres spécificités. De ce fait, les solutions à mettre en œuvre pour améliorer l’efficience de la logistique urbaine diffèrent, y compris sur le plan réglementaire. Animer des groupes de travail entre les partenaires économiques, les transporteurs, les commerçants et représentants institutionnels permet d’assurer la mise en place d’une réglementation cohérente et adaptée au développement d’une logistique urbaine vertueuse.


https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/livraisons-centre-ville

https://www.zonefaiblesemissionsmetropolitaine.fr/

https://cdn.paris.fr/paris/2021/01/08/4291c711f06bba9863ffeca4eef6f7cd.pdf